14.11.06

700 litres de harira : il faut le faire !


· Toute une organisation pour servir 1.000 bénéficiaires du f’tour

· Des entreprises et des bénévoles jouent le jeu

Ils sont éclopés, mendiants, chômeurs, travailleurs ou simplement esseulés. Sur le coup de 18h, plus de mille jeûneurs se retrouvent tous les soirs de Ramadan, près de l’Ensemble artisanal, sur le boulevard de Bordeaux, à Casablanca. C’est que l’association Al Wifak leur offre gratuitement le f’tour, et ce, depuis neuf ans maintenant.
Al Wifak a été crée par des ex-membres de l’association Attoufoula Ashaâbia. Son premier objectif est l’aide à l’enfance et l’encadrement des jeunes. À six reprises, durant l’Aïd el Kébir, l’association a distribué des habits aux enfants démunis. Au total, ce sont 7200 enfants qui en ont profité. Al Wifak distribue aussi chaque année un peu plus de 200 cartables aux enfants. Des opérations de circoncision ont également été organisées à quatre reprises.
«L’opération f’tour a été lancée en 1995», explique Mustapha El Boudani, vice-président. Au départ, l’organisme accueillait une centaine de personnes pour la rupture du jeûne. «Chaque année, nous avons augmenté notre capacité d’accueil», ajoute-t-il.
Aujourd’hui, huit employés de cuisine et une quarantaine de bénévoles travaillent à l’organisation. Au total, un budget de 33 millions de dirhams y est consacré, soit plus de la moitié du budget annuel de l’association (50 millions de DH – n.d.l.r). «Ce sont des sociétés qui offrent les ingrédients comme le concentré de tomates, les œufs, les cubes de bouillon, etc. Et grâce aux cotisations des membres de l’association, nous achetons ce qui manque, par exemple le lait», poursuit Mustapha.
Pour permettre à plus de mille personnes de rompre le jeûne en même temps, il faut un véritable travail de moine. «Les employés en cuisine commencent leur journée vers 7h, puis sont ensuite relayés par une équipe d’après-midi», explique le vice-président.
Puisque chacun des invités aura droit à un deuxième bol de soupe, il faut préparer quotidiennement 700 litres de harira. «Et elle est délicieuse, je mange ici mieux que chez moi!», s’exclame Mustapha. On serait porté à le croire sur parole, car 80% de la « clientèle » revient chaque soir. «Certains possèdent même leur place!», lance-t-il en riant. Tout au long du repas, une dizaine de serveurs bénévoles s’assurent que les convives ne manquent de rien. Leur proximité permet aussi de prévenir les accrochages. « L’ambiance est généralement bonne. N’empêche qu’il y a parfois des gens qui prennent trop de beurre ou trop de soupe », admet Mustapha. Pour ce qui est de la sécurité des lieux, un camion de sapeurs-pompiers se gare chaque soir devant l’entrée du site. Il y demeure jusqu’à ce que les gens quittent, vers 19h. Le travail d’Al Wifak débute cependant bien avant la première journée de jeûne. « Aussitôt que les autorités nous le permettent, soit généralement un mois avant le début de Ramadan, nous commençons à préparer le site », indique Mustapha. Car, il faut bien le dire, l’endroit sert normalement de repère aux sans-abri.Il faut nettoyer les caniveaux, décortiquer les palmiers, installer les bâches et l’électricité. Bref, la tâche est colossale. Mais, pour Mustapha, il serait impensable de passer le mois de Ramadan sans cette opération. «Je prends mes vacances pendant le mois sacré depuis neuf ans afin d’organiser le f’tour. C’est une véritable drogue!».

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Côté hommes



«Dans un café, on débourse 20 dirhams en moyenne pour le f’tour. Ici, en plus d’être gratuit, c’est d’excellente qualité», explique un artisan. «Pour moi, c’est carrément du cinq-étoiles. Parfois, ma famille m’invite. Mais je préfère venir ici, car la nourriture est meilleure», assure un autre homme. Car, il faut bien l’avouer, seule la moitié des bénéficiaires est réellement démunie. L’autre moitié est constituée essentiellement de petits travailleurs qui pourraient très bien subvenir à leurs besoins : maçons, chauffeurs, etc. Ils travaillent généralement dans les parages et profitent du repas gratuit. Une réalité qui ne dérange pas le moins du monde les organisateurs. Leur leitmotiv ? le Coran qui incite les fidèles à offrir le repas aux jeûneurs, qu’ils en aient les moyens ou pas.



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Côté femmes



«Dieu vous bénisse!», s’exclame une des bénéficiaires, avant d’exprimer sa joie par des youyous. Car, à l’inverse des hommes, les femmes présentes vivent toutes une situation de précarité. La plupart mendient et n’ont pas de chez-soi. Pour les rares chanceuses qui ont trouvé refuge chez leurs proches, c’est souvent préférable de rompre le jeûne loin du tumulte de la famille d’accueil. Il faut toutefois se méfier, car, aux dires des organisateurs et même de certaines femmes, il y a parmi elles des « profiteuses ». Des opportunistes qui viennent dans l’espoir de se voir offrir des dons. En effet, chaque fin de Ramadan, l’association remet le surplus de nourriture aux femmes. Sacs de farine, sucre, thé, etc. La date de la remise des dons est maintenue secrète pour ne pas provoquer le jour venu. «Nous nous retrouvons parfois avec 300 femmes au lieu de la centaine habituelle. Malgré toutes nos précautions, elles alertent leurs amis par téléphone portable», s’indigne Mustapha.

Zakaria CHOUKRALLAH
et Marie-Hélène GIGUÈRE
Emploi & Carrière

Un institut pour crédibiliser le métier d’herboriste

(L'Economiste du 9/10/2006)

· A Taounate sur un terrain de plus de 30 hectares

· La structure accompagne des porteurs de projets

LE secteur des plantes aromatiques et médicinales (PAM) connaît un vide juridique au Maroc. Les herboristes, petits et grands, sont dans l’illégalité totale. «Il n’y a aucune réglementation qui régit l’activité. A l’heure actuelle, il n’y a pas de différence entre un vendeur d’herbe qui officie à côté des mosquées et un herboriste qui dispose d’un magasin et d’une exploitation agricole», s’insurge Aboubakr el Asri, coordinateur de la filière des plantes aromatiques et médicinales (PAM) au sein de l’Agence américaine pour le développement (USAID).
Pour trouver une solution à ce problème, il est nécessaire de crédibiliser le métier d’herboriste. Cela passe nécessairement par la formation. C’est dans ce dessein, et celui plus général de promouvoir et valoriser le secteur des PAM au Maroc, qu’a été créé l’Institut national des plantes médicinales et aromatiques (INPMA) en 2002. L’INPMA se situe à Taounate, dans une zone traditionnellement riche en plantes médicinales. Il est financé par le ministère de l’Education nationale en partenariat avec le Conseil provincial de la région. Son budget est de 54,2 millions de dirhams. L’institut ne fait pas de formation initiale. Il s’agit principalement de former les herboristes déjà en exercice. La formation diplomate ne démarrera qu’en 2007. Elle s’étalera sur une durée de 2 ans et concerne plusieurs métiers: l’herboristerie, mais aussi la cosmétologie, la parfumerie, la phytothérapie, etc. Les frais d’études varient suivant la filière, d’après Mohammed Hmamouchi, directeur, ils seront compris entre 5.000 et 15.000 dirhams. Les professionnels déjà en exercice et les personnes ayant reçu une formation de biologie où d’agronomie pourront bénéficier de cette formation unique au Maroc. Des séminaires, des conférences et des rencontres vont régulièrement réunir tous les intervenants: herboristes, chercheurs, industriels, etc. Les cycles d’études sont d’ores et déjà entamés, il y a quelques jours, un premier séminaire réunissant des herboristes a eu lieu (1).
L’INPMA se donne aussi pour mission d’accompagner les jeunes investisseurs dans ce secteur durant toute la phase de création de leur projet. Ils seront hébergés à l’institut qui mettra à leur disposition un bureau et le matériel nécessaire. Une équipe se charge de faire une étude de faisabilité, le montage financier et la préparation du dossier pour la création de la PME-PMI. La possibilité de crédit est ouverte, grâce notamment à un partenariat avec le Crédit Agricole.
Pour remplir ses objectifs, l’Inpma s’est doté de partenaires nationaux et internationaux. L’Usaid, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), etc. En plus de partenariats avec la France, l’Espagne, la Grèce, l’Italie, la Hollande, Chypre, l’Egypte, l’Algérie et la Tunisie.
Les partenaires nationaux sont les banques (Crédit Agricole), des associations et les institutions publiques (Haut Commissariat aux Eaux et Forêts, Institut agronomique et vétérinaire, Ecole forestière, etc.). Il faut noter que l’un des objectifs de l’INPMA est de coordonner l’activité des différents intervenants dans le secteur. Un audit effectué par l’UE en 2004 à la demande du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche relève que les institutions marocaines travaillent sans aucune coordination. «Plusieurs institutions travaillent sur les mêmes thématiques sans aucune concertation, même à l’intérieur d’une institution», dixit le rapport. Pour remplir toutes ces missions, l’institut a les moyens de ses ambitions: une ferme de 25 hectares, dont quatre sont réservés à une pépinière, et un jardin expérimental de sept hectares. Les zones construites s’étalent sur 3.500 m2 et comprennent des logements pour les stagiaires, un hall technologique qui sert à la transformation du produit cultivé et une droguerie. Vingt-huit personnes travaillent à l’INPMA, dont vingt permanents. L’équipe est constituée d’ingénieurs, d’économistes, de juristes et d’ouvriers.

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Séminaires les trois prochains mois


L’INPMA organise avec ses partenaires français et espagnols trois séminaires. Ces journées d’étude s’adressent aux industriels, aux agriculteurs, aux associations professionnelles et aux décideurs dans le secteur des plantes aromatiques et médicinales (PAM).
Le premier séminaire se déroule du 2 au 6 octobre 2006 et porte sur les techniques et stratégies de vulgarisation des PAM. Les 16 et 17 novembre, un deuxième séminaire placé cette fois-ci sous le thème «Culture et qualité des plantes aromatiques et médicinales» sera organisé. En dernier lieu, les 14 et 15 décembre à Rabat, les professionnels discuteront de l’élaboration de la stratégie nationale de la filière des PAM.

Zakaria CHOUKRALLAH
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(1) Le 28 septembre 2006, les herboristes ont profité d’une formation en partenariat avec le Crédit Agricole et le projet Ap3 de l’Usaid sur le thème de «la communication dans le secteur des PAM».
Plantes aromatiques et médicinales
Un potentiel sous-exploité

(l'Economiste du 10/10/2006)

· 891 millions de DH en exportation·
Le retard technologique pénalise la filière

Le marché mondial des plantes aromatiques et médicinales (PAM) est estimé à 30 milliards de dollars. Normal, 80% des médicaments sont à base de plantes médicinales, et de plus la tendance actuelle est à la médecine naturelle et à la phytothérapie. Le Maroc a un patrimoine qui le classe deuxième en matière de PAM dans la Méditerranée, selon Ismaïli Alaoui, professeur à l’Institut agronomique et vétérinaire. En effet, la situation géographique du Maroc, entouré de deux mers et d’un désert, lui confère un climat propice au développement de ces plantes. Thym, romarin, lichen, laurier, etc. pour ne citer que les variétés les plus connues et les plus exploitées. Les plantes se trouvent généralement dans des zones excentrées, très pauvres. Ils sont une source de revenus importante pour les populations. Ainsi, l’activité génère 500.000 journées de travail par an, d’après une étude du Haut-commissariat aux eaux et forêts. Dans la région d’El Kelâa par exemple, un hectare de romarin ou de rose peut rapporter l’équivalent de 35 à 70 quintaux de blé. La production est essentiellement destinée à l’export. D’après les chiffres du comptoir des exportations, le Maroc a exporté entre juillet 2004 et juin 2005 l’équivalent de 891 millions de dirhams. A titre de comparaison, en 2002 la valeur exportée était de 547 millions de DH. Un bon score mais l’évolution se situe principalement sur le volume. La qualité, elle, demeure moindre. De surcroît, le Maroc subit la concurrence de pays comme la Tunisie ou l’Espagne, qui disposent d’un produit plus raffiné grâce à une technologie d’extraction plus évoluée. Selon le rapport des Eaux et Forêts, «les techniques de transformation utilisées par les professionnels marocains sont souvent simples et artisanales en raison du faible niveau d’encadrement et d’investissement».
· Revoir la chaîne de production
«Une plante contient des centaines de molécules. Il faut parvenir à les séparer pour vendre un produit à forte valeur ajoutée», explique Ismaïli Alaoui. De plus, «une plante cueillie à 6 heures du matin n’est plus la même cueillie en fin d’après-midi», poursuit-il. Un grand effort de sensibilisation et de formation reste donc à faire. Une mission confiée à l’Institut national des plantes aromatiques et médicinales (Inpam), qui démarrera les formations à partir de 2007 (cf. www.leconomiste.com). La formation portera sur tous les métiers des PAM, de la cueillette à la mise en boîte, en passant par le séchage et la distillation. Toute la chaîne de production doit être revue pour améliorer la qualité. A commencer par les premiers maillons de la chaîne, les ouvriers, et particulièrement les femmes qui représentent 70% des cueilleurs. Selon Saâdia Zrira, membre de l’Association marocaine pour le développement des plantes aromatiques et médicinales, «Les producteurs pensent uniquement au profit. Les populations qui font la récolte ne sont pas bien payées. Pour trente centimes le kilo, elles coupent de manière anarchique, ce qui a une incidence sur le patrimoine national en PAM». Le séchage des plantes pose aussi problème. D’abord la technique, qui consiste à étaler les plantes au soleil, est désuète. Elle fait perdre les qualités aromatiques du produit. Pour les préserver, il faut préférer le séchage industriel qui nécessite un matériel évolué. ·
«Codex aromatique»
Le retard technologique et le mode de cession des exploitations de PAM sont les principaux freins au développement de l’activité, selon les industriels. Actuellement, les terres riches en plantes médicinales sont «prêtées» pour une durée déterminée aux exploitants moyennant une somme qui est versée au Haut-commissariat aux eaux et forêts. C’est donc des ventes par voie d’adjudications publiques. Le mode de cession en vigueur porte uniquement sur le droit de collecte du produit et pour une durée ne dépassant pas une campagne de récolte. Tout au plus une année. Une durée jugée insuffisante par le professeur Alaoui, également à la tête d’un projet-pilote à Errachidia. La nouvelle formule à l’étude s’étale sur une durée de 3 ans renouvelable trois fois. Avec ce système, l’exploitant rentre dans ses frais tout en devant se conformer à un cahier des charges comportant un volet socioéconomique. Un succès, si on en croit Ismaïli Alaoui qui assure qu’en 5 ans la région a bénéficié de 900.000 dirhams de rentrées directes grâce à l’exploitation. Soit près de dix fois plus qu’en 15 ans! ( 16.800 DH, ndlr). Grâce à une unité de production de 2,5 millions de DH, la qualité de l’huile produite est aux normes internationales. Ce projet montre la voie, mais demeure difficile à appliquer. En effet, tout autour de l’opération-pilote, les petits exploitants continuent de produire de la mauvaise qualité, ce qui pollue le marché et tire les prix vers le bas. «Entre une huile à 500 DH et une de moindre qualité à 100 DH, le choix et vite fait», s’indigne le professeur. La prochaine étape est donc de généraliser ce type d’exploitations. Il est également nécessaire de mettre en place un «Codex aromatique», poursuit le professeur. C’est, en des termes plus simples, un recensement précis et scientifique de toutes les espèces qui poussent au Maroc. «Plus on connaît ce que l’on vend, plus on est respecté et plus on peut négocier les prix à la hausse», assure le professeur. Les importateurs étrangers préfèrent acheter un produit de mauvaise qualité mais bon marché, qu’ils peuvent toujours «rectifier» dans leurs usines, qu’un produit cher de qualité. Ceux qui produisent de la qualité sont concurrencés par le tout-venant. Il ne faut pas perdre de vue que «n’importe quel produit destiné aux consommateurs doit être connu, de la fourche à la fourchette», estime le professeur.
Zakaria CHOUKRALLAH

6.10.06

Une journée au «bureau des épaves»

(L'Economiste du 5/10/2006)

· Aux «objets trouvés», documents, sacs et même téléphones portables
· L’idéal: Equiper le bureau d’un téléphone

N’avez-vous jamais oublié un bagage dans un taxi? Egaré votre carte nationale ou votre permis? Dans chaque ville, il existe un «bureau des épaves» qui collecte tous les objets perdus remis à la police. Avec de la chance, votre sac, votre permis pourrait encore s’y trouver! A Casablanca, le bureau des épaves se trouve au Boulevard Brahim Roudani. C’est une petite pièce assez modeste et entourée d’habitations. L’officier de Police qui y travaille est affable. Ses collègues le surnomment «El Bahja». «Le joyeux», en raison de ses origines marrakchies et de sa bonne humeur. «Il faut bien cela, pour recevoir les citoyens parfois sur les nerfs. Il faut les comprendre, la plupart se sont fait voler et n’espèrent plus retrouver ce qu’ils ont perdu», explique l’officier. Ce jour-là, une jeune femme gare précipitamment sa voiture sur le boulevard. Elle s’est fait arracher son sac à côté d’un poste de Police. Elle est contrainte de rouler sans permis. L’officier la reçoit, fait défiler devant elle les permis de conduire qu’il a reçus. Le sien n’y est pas. Elle repart en pestant contre les policiers «qui n’ont rien fait alors que le vol a eu lieu devant leurs yeux». L’officier lui dit de revenir dans deux jours, en espérant que quelqu’un retrouve son permis et l’envoie par poste.Pourquoi la poste? «Les gens se sont mis en tête que c’est la poste qui restitue les documents égarés. En réalité, chaque semaine un facteur vient remettre les documents qu’ils ont reçu. Un service qu’ils ne sont même pas obligés d’assurer», explique l’officier.Rares sont les gens qui connaissent le «Bureau des épaves». C’est soit la police où un proche qui a déjà eu recours à ce bureau qui les renseigne. Pourtant, ce service légué par le protectorat français, existe depuis la création de la police. «Les gens se sont simplement mis dans la tête qu’ils ne peuvent jamais retrouver ce qu’ils ont perdu», commente l’Officier. Une impression pas si infondée que cela car rares sont les objets de valeur qui arrivent sur le bureau de l’officier. A part une dizaine de téléphones portables, et des lunettes oubliées dans les taxis, aucun objet de valeur à l’horizon. Par contre, on trouve pas mal d’objets insolites. Comme cette butane de gaz oubliée dans le coffre d’un taxi et qui attend sagement qu’on vienne la chercher. N’est-ce pas dangereux? «Regardez, le local est bien aéré, aucun souci à se faire», répond d’un air amusé l’officier. «Il nous arrive de recevoir même de la nourriture. Lors de l’Aid El Kébir, on nous avait même remis un demi-mouton que quelqu’un avait oublié dans un taxi. Dans ces cas-là, on donne la nourriture aux orphelinats», raconte l’Officier.
Pas de téléphone!
Les autres objets aussi ne sont pas gardés indéfiniment. Les vêtements sont gardés 3 mois, les objets en plastique 6 mois, et le reste 1 an et 1 jour. Après ce délai, si personne ne les réclame, ils deviennent la propriété de l’Etat et sont vendus aux enchères. Les documents eux non plus ne sont pas logés sous la même enseigne. Les permis de conduire sont gardés 5 mois, les cartes nationales quant à elles, ne sont gardées que 3 mois. Pourquoi ces délais si courts? «Pour la simple raison que pour la carte d’identité par exemple, il faut déposer une déclaration de perte et avoir le document dans moins de trois mois. Aussi, personne ne peut circuler sans permis de conduire», explique l’officier. Si au bout de ce délai, personne ne vient réclamer le document, il est envoyé au service qui l’a édité. La carte d’identité, par exemple, est remise à la Direction Générale de la Sécurité Nationale à Rabat. Chaque semaine, c’est en moyenne une cinquantaine de permis de conduire et autant de cartes nationales qui atterrissent au bureau des épaves. Quinze à vingt personnes viennent chaque jour les réclamer. De plus, le bureau des épaves envoie une convocation à tous ceux qui ont perdu leurs papiers. L’officier assure que seule la moitié des convocations aboutit. Les gens refont probablement leurs papiers entre-temps. Les malchanceux qui ont perdu un document sont contraints de venir à chaque fois demander. Le bureau ne disposant même pas d’un téléphone! L’officier utilise son propre téléphone portable. Qui paye les communications? Il assure le faire de sa poche.
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Encadré
Les «objets trouvés» ailleurs.
LE service des objets trouvés de Paris fait preuve d’une organisation sans faille. Chaque jour, 600 à 700 articles arrivent dans ce service. Ils proviennent des taxis, des trains, des particuliers, des commissariats, des musées, des grands magasins, etc. En moyenne, 150 objets sont restitués à leurs propriétaires. Mieux, dans le cas où un particulier ramène l’article, il dispose du «droit de l’inventeur». C’est-à-dire qu’il peut reprendre l’objet si au bout d’un délai déterminé personne ne le réclame. Un centre d’appel est mis à la disposition des citoyens. Ils peuvent appeler si l’objet perdu porte leur nom ou adresse. L’opératrice vérifie dans les bases de données s’il se trouve en stock. Si l’objet ne porte pas les coordonnées de son propriétaire, il suffit d’envoyer par courrier une déclaration de perte dont le modèle est disponible sur le site web www.prefecture-police-paris.interieur.gouv.fr
Zakaria CHOUKRALLAH

Expo «Sciences au Sud»
Des photos pour promouvoir la culture scientifique
(publié dans L'Economiste du 28/09/2006)

· Sensibiliser sur les questions que pose à la science le développement
«SANS culture scientifique et technique, aucune population ne peut appréhender les enjeux de son développement ni maîtriser son avenir». Ce sont les propos d’Yves de La Croix, coordinateur du projet de la promotion de la culture scientifique et technique (PCST). Un programme du ministère français des Affaires étrangères destiné à une dizaine de pays du Sud dont le Maroc. L’enveloppe qui lui est consacrée est de 3 millions d’euros, étalée sur une période de 3 à 4 ans. Selon Henri Guillaume, représentant de l’IRD au Maroc, le Royaume est très réceptif à ce programme. Il existe au Maroc des associations de promotion de la culture scientifique dans de nombreuses régions. Qu’elles fassent la promotion de l’écotourisme ou la découverte de l’astronomie, elles sont la preuve qu’il y a un intérêt certain des jeunes pour la science. Le dernier événement en date dans le cadre de ce projet est la présentation jusqu’au 15 octobre de l’exposition «Sciences au Sud» à Rabat. Réalisé par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) en partenariat avec l’Institut français de Rabat, et le ministère de l’Education nationale. Rabat est la dernière étape de l’expo. Elle a déjà été présentée à Oujda, Fès, Marrakech, El Jadida et Kénitra. Elle s’appuie sur des photos grand format représentant les paysages et la culture du sud. Les images ont pour thème le développement durable. Toutes les photos ont été prises par des scientifiques et s’adressent au grand public et en particulier les jeunes. «Au départ, l’exposition a été présentée en France, dans un endroit prestigieux. Nous avons pensé qu’il serait intéressant de l’adapter aux pays du sud. C’est comme ça qu’est née l’idée de panneaux sur lesquels on colle les photos. Un matériel simple», explique Yves de La Croix. L’exposition est sous forme de quatre chapiteaux thématiques: «Se nourrir», «prévenir», «soigner» et «vivre ensemble». Originalité de l’expo: traiter de manière simple et ludique des questions cruciales concernant l’avenir de notre planète. «Comment exploiter les Océans sans épuiser les ressources?» «Peut-on lutter efficacement contre l’érosion des sols?» «Quelle est l’ampleur des migrations du Sud vers le Nord», etc. L’exposition est ouverte jusqu’au dimanche 15 octobre, au jardin du Triangle de Vue, avenue Al Mansour Addahbi (proche de la wilaya).
Z. C.
Développement durable
«On ne peut laisser les économistes seuls aux commandes»
Entretien avec Christian Lévêque, directeur de recherches à l’IRD Paris

(L'Economiste du 28/09/2006)
· On peut réduire jusqu’à 50% de notre consommation

· C’est avant tout une question de comportement

Invité par l’Institut français de Rabat et la représentation de l’IRD (Institut de recherche et de développement) au Maroc, Christian Lévêque, directeur de recherches à l’IRD de Paris et auteur de plusieurs ouvrages sur le développement durable, a animé une conférence sur le thème: «Environnement et développement: problématiques et enjeux» à l’IFR, mardi 19 septembre. Il explique les enjeux du développement durable.

· L’Economiste: Le développement durable est un concept fuyant. Pourquoi?
- Christian Lévêque: Le concept de développement durable est un mot-valise. La représentation du développement durable par un paysan, par exemple, n’est pas la même que par un citoyen des villes ou un industriel. Je pense que le consensus autour de ce concept découle de préoccupations communes sur l’avenir de la population et de son bien-être, sa santé et son alimentation. C’est l’inquiétude qui se généralise à l’heure actuelle par rapport à un certain nombre de problèmes de la vie économique et de l’environnement. Je prends pour exemple le réchauffement climatique, l’effet de serre, les questions de désertification, les problèmes d’accès à l’eau, etc. Tout le monde se retrouve derrière cette idée qu’il est nécessaire de mieux utiliser nos ressources, de mieux gérer nos déchets.

· Peut-on parler d’une crise de certitudes des sciences physiques au profit des sciences sociales?
- On a toujours tendance à privilégier les sciences physiques. Parce que ce sont elles qui nous disent qu’il y a tant de ressources, qu’on peut faire telle chose. Je pense que le problème du développement durable doit être plus investi par les sciences sociales. C’est une question d’éducation et de sensibilisation du public. Une prise de conscience qu’il est nécessaire de modifier notre comportement. Très clairement, on ne peut pas laisser les seuls économistes aux commandes du développement durable.

· Vous insistez dans vos travaux sur la notion d’a-croissance. Qu’est-ce que cela signifie?
- Pour beaucoup, la croissance signifie l’augmentation du PIB et donc de la masse monétaire. On y voit une amélioration du niveau de vie, des possibilités d’acheter plus de produits manufacturés, etc. On y voit rarement cet aspect lié à une meilleure qualité de vie: une meilleure éducation, un meilleur accès à la santé, etc. Les Nations unies ont mis en avant que le développement durable, c’est avant tout la lutte contre la pauvreté. Les gens qui sont pauvres ne peuvent pas porter la même attention à leur environnement que les gens qui sont relativement à l’aise.

· Comment concilier les impératifs de développement infinis et les ressources finies?
- Je crois que l’on peut réduire la consommation de quelques ressources, utiliser des technologies plus propres, réduire les déchets. A l’heure actuelle, on consomme beaucoup trop. Il y a des gisements énormes d’économie à faire en termes de consommation et de gestion des déchets. Il est clair que l’on peut réduire notre train de vie sans trop de difficulté, je dirais de 30 à 50%.

· Prenons l’exemple du Maroc. Est-ce que la marge de manœuvre en matière de développement durable n’y est pas limitée?
- Je crois que tous les citoyens, marocains ou français, ont une marge de manœuvre étroite. On est tous limités par une économie où les décisions sont prises à un niveau international. Mais nous pouvons toujours avoir un impact sur les décisions prises par nos pays. J’insiste sur le fait que l’idée de développement durable est un projet de société. Ce n’est pas seulement de la technologie, c’est avant tout une question de comportement des citoyens: la manière avec laquelle on consomme, comment on voit le développement.

· Quelles idées pourrait-on appliquer au Maroc?
- Je crois que l’une des grandes leçons du développement durable, c’est qu’il ne faut pas attendre que tout vienne de l’Etat. Les gens doivent aussi se prendre en main. Il existe en Europe des associations qu’on appelle les «Agendas 21 locaux» (ndlr: il s’agit d’un programme de lutte contre la pauvreté et de protection de l’environnement adopté par la déclaration de Rio). Ces associations réunissent industriels, agriculteurs, simples citoyens, etc. Ils discutent en commun de l’avenir, de ce qu’on va faire par exemple dans la ville: gestion de l’eau, organisation des espaces verts, gardiennage des enfants, etc. Ce sont des choses aussi diverses que cela. Je pense que de telles associations peuvent tout aussi bien exister au Maroc.

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Bio expresse



CHRISTIAN Lévêque est directeur de recherches et délégué de l’environnement de l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Océanographe de formation, il s’est intéressé à l’impact des activités humaines sur la biodiversité des fleuves et des lacs. Depuis la conférence de Rio en 1992, Il suit l’évolution des recherches sur le développement durable. Il est auteur et coauteur de nombreux livres. La conférence qu’il a animée à Rabat s’est appuyée sur son dernier ouvrage, «Développement durable. Avenirs incertains» (Dunod-IRD), qu’il a coécrit avec le journaliste scientifique Y. Sciama.


Propos recueillis par
Zakaria CHOUKRALLAH

26.9.06

Les nouveaux trains sont là

(L'Economiste du 21/09/2006)

· Les rames à deux étages présentées pour la première fois

· Une commande de 2 milliards de DH

Ils se sont fait attendre, les nouveaux trains qui arrivent d’Italie. Initialement prévue en juin 2006, la première livraison ne s’est faite qu’en août. L’arrivée de la deuxième rame est prévue en octobre et le reste devra suivre à la cadence de deux rames par mois.
A terme, c’est vingt-quatre rames qui seront livrées. Elles auront coûté 2 milliards de dirhams et constituent une augmentation de la flotte de l’ordre de 35%, selon Rabie Khlie, DG de l’office. La mise en circulation aura lieu à partir de décembre, et concernera d’abord l’axe Casa-Rabat. Ce sera ensuite le tour de la ligne Casa-Fès.
Calqués sur des modèles déjà en circulation en Italie, ces trains offrent un confort semblable à ce qu’on pourrait trouver en Europe, selon les dires d’un responsable de l’ONCF.
Pour le visiteur, la première chose qui frappe est la meilleure gestion de l’espace. Exit les couloirs exigus de l’ancien modèle, et place à un intérieur mieux géré, malgré la présence de deux étages superposés, à la manière des bus londoniens. Une idée pas si saugrenue, car cela permet de transporter plus de passagers sans devoir augmenter la longueur des trains.
Sentiment de liberté aussi à côté des portes coulissantes plus grandes, ce qui évite les bousculades.
Autre nouveauté, l’accès facilité aux personnes en chaise roulante. En attendant que d’autres modes de transport public suivent. A la demande du contrôleur, une plaque coulissante est déployée pour leur faciliter l’accès au train.
«Les premières classes se trouvent en tête du train», ce sera toujours le cas pour ces nouvelles rames. Au nombre de cinquante, les sièges des premières classes ressemblent à ceux des avions. Réglables et dotés d’un coussin repose-tête, ils sont assez espacés et munis d’accoudoirs. Le deuxième étage offre «une vue panoramique» sur la route. Une buvette sépare les premières classes des deuxièmes. On y sert des boissons fraîches et chaudes ainsi que des sandwichs. La buvette occupe presque un demi-wagon. Fini donc les chariots encombrants des modèles actuels. Mais quid des employés qui poussent ces chariots? L’ONCF sous-traitant cette opération à une entreprise privée, on ne fera plus appel à eux, forcément.
Naturellement, les sièges des deuxièmes classes sont moins confortables que ceux des premières. Mais restent de meilleure qualité que ceux des anciens modèles. Assez larges et dotés d’un repose-tête en matière synthétique lavable, le tissu des sièges est plus agréable et reposant.
Si on reproche aux modèles actuels de trains leur saleté, notamment au niveau des sanitaires, les nouveaux modèles sont plus propres. Les toilettes ne donnent plus sur la voie. Il était temps d’en finir avec les odeurs nauséabondes et les rejets qui polluent les rails. Les nouvelles toilettes sont, à l’image de ce que l’on trouve dans les avions, munies d’un réservoir pour les déchets. La couleur blanche de ces toilettes tranche avec le gris orange des anciens modèles. Une couleur certes plus agréable mais aussi plus salissante.
Autre point noir qui va disparaître: les annonces sonores parfois inaudibles dans les trains. Selon les responsables de l’ONCF, ce problème sera réglé grâce à des messages digitalisés de grande qualité. De plus, l’affichage à l’intérieur des trains fait son entrée.
L’ONCF garantit que les trains seront plus sûrs. La conduite sera assurée par deux personnes au lieu d’une seule. Ils travailleront de surcroît sur un tableau de bord plus ergonomique. Les boutons sont disposés de manière à répondre promptement aux urgences. Mieux, la présence d’écrans graphiques facilite la tâche aux conducteurs. «Quand un voyageur tire la sonnette d’alarme par exemple, on saura facilement d’où elle a été actionnée. Sur les anciens modèles, il faut se déplacer, ce qui occasionne des retards», assure un employé de l’ONCF. Quid des retards justement? Si le directeur de l’ONCF assure que neuf trains sur dix arrivent à l’heure, beaucoup de voyageurs continuent de se plaindre. Ces retards, selon Hyatt Boudhane, chargée de communication à l’ONCF, peuvent être provoqués par de nombreuses choses: des actes malveillants, jets de pierres sur les trains par exemple, par des voyageurs qui actionnent l’alarme sans raison valable, par des pannes électriques, etc. Les nouveaux trains évitent au moins un écueil: ils sont pourvus de deux moteurs. L’analogie avec les réacteurs des avions n’est pas loin. A l’instar des avions, si un moteur tombe en panne, l’autre prend le relais. Plus besoin d’attendre qu’il soit réparé.
Ces trains offriront donc de nombreux services supplémentaires. Maintenant le confort a un coût. Reste à savoir si le client va en supporter une partie sur le prix du billet. Aucune information n’a filtré pour l’instant, les responsables restent évasifs sur ce sujet.

Satisfaits… Ou satisfaits!


EN marge de la visite des nouvelles rames, l’ONCF a présenté les résultats de l’enquête de satisfaction du premier semestre 2006. Tenez vous bien: 72%, des usagers sont globalement satisfaits des services de l’ONCF. Soit 2% de plus qu’en 2005. Il faut nuancer cependant. C’est essentiellement le personnel commercial à bord (89% de satisfaits), la propreté et le sentiment de sécurité dans les gares, respectivement 76% et 79%, qui tirent ces chiffres vers le haut. Des «points perfectibles», selon l’aveu même de l’ONCF, attendent toujours. Par exemple, la restauration, la sur-occupation en période d’affluence, la propreté, le confort dans les trains (tous deux enregistrant 44% d’insatisfaits) et le nombre de départs de trains jugé insuffisant par 41% des voyageurs sont les principaux points noirs à corriger, selon cette enquête.

Zakaria CHOUKRALLAH



Bientôt, le Haj à 25.000 dirhams

(Article publié dans l'Economiste du 18/09/2006)

· Les agences de voyages s’alignent sur les prix des Habous

· 100.000 personnes se sont portées candidates au Haj cette année

La polémique autour du quota du Haj est loin de se calmer. Les 32.000 places octroyées par l’Arabie saoudite sont loin de répondre à la demande. Selon Fouzi Zemrani, président de la Fédération nationale des agences de voyages marocaines (FNAVM), depuis quatre ans maintenant, les candidats au pèlerinage affluent. En 2006, près de 100.000 personnes se sont portées candidates au pèlerinage. Si on en croit Fouzi Zemrani, ce serait dû à l’augmentation du pouvoir d’achat, à l’amélioration des conditions du pèlerinage et au déroulement du Haj en hiver. Cette année, plus de 60.000 personnes ont tenté leur chance auprès des Habous. Toutes les demandes ne peuvent bien sûr pas être satisfaite, l’administration procédant même à un tirage au sort pour octroyer les places ! Reste les agences de voyages qui vendent un service plus cher aux alentours de 35.000 DH. Même si il est enrichi de prestations supplémentaires, ce prix reste élevé et pourrait être dû aux marges atteignant 15.000 dirhams sur un voyage selon l’estimation de professionnels. Un chiffre que balaye d’un seul geste le président de la FNAVM. D’après lui, «avec une telle marge, les packages devraient être à 90.000 DH par personne! pour ce prix, nous devons faire voyager nos pèlerins en classe affaire, et les loger en cinq étoiles». Ce qui serait en cause, c’est plutôt les quotas de négociation pour 50 à 100 pèlerins qui se répercutent sur le prix d’achat, toujours selon la même source.
Marges élevées ou pas, il n’en demeure pas moins que le futur pèlerin doit débourser en moyenne 10.000 dirhams de plus pour aller à La Mecque par l’intermédiaire des agences. C’est pour régler ce problème que des négociations entre le ministère du Tourisme et les agences sont en cours pour commercialiser un produit économique. Les prix ont été étudiés à partir de ceux proposés par le ministère des Habous (23.000 DH) et l’offre enrichie de prestations supplémentaires. Ils seront vendus à environ 25.000 dirhams. Les négociations portent aussi sur les quotas. Selon une source autorisée au ministère du Tourisme, la base des négociations sur l’offre économique est de 5.000 places.
Rappelons qu’une garantie financière professionnelle a été mise en place à l’initiative de la FNAVM. S’étalant sur trois ans, ce fonds servira à assurer le voyage du client en cas de dépôt de bilan de l’agence. Une association professionnelle de solidarité (APS) regroupera toutes les agences qui participent au fonds de garantie. Une antenne de la FNAVM sera ouverte dans les lieux saints pour recevoir les agences nationales.

Encadré
Prix coûtant


Le marché du Haj est partagé entre le ministère des Habous et les agences de voyages. La part du lion revient à l’administration de tutelle qui a distribué 22.800 places cette année. Les agences n’ont eu droit qu’à 9.520 places. D’après le président de la FNAVM, «les Habous rendent un service à prix coûtant (ndlr: à un prix plafonné à 23 000 dirhams) et subventionnent même certaines prestations». Ils sont donc très appréciés par les candidats au pèlerinage.

Z. C.

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"Les pèlerins seront plus sécurisés"

Entretien avec Fouzi Zemrani, président de la FNAVM




· L’Economiste: Quelles prestations offrira ce nouveau package Haj aux clients?
- Fouzi Zemrani: Nous avons fait une étude pour proposer un produit économique, en partant du produit proposé aujourd’hui par les Habous, et comprenant le transport aérien, les transferts terrestres et l’hébergement à Médine et Mekka. Nous voudrions y ajouter une touche agence de voyages en y incluant des prestations supplémentaires.
Le transport durant les jours des Machaïr se fera par exemple en un seul temps au lieu de deux voyages, ce qui est plus sécurisant pour les pèlerins. Nous proposons aussi la pension complète à Minan et Arafat, où depuis l’incendie de 1997, il est strictement interdit aux pèlerins de cuisiner.
Pour l’hébergement, nous proposons des résidences meublées, avec des appartements de trois à cinq chambres, avec cuisine et salles de bains, dans un rayon de 1.000 m du Haram à Mekka, et 200 m du Haram à Médine. Les pèlerins seront logés selon leurs affinités, par chambre de quatre personnes au maximum.
Nous metterons à la disposition des clients deux assistants pour cinquante pèlerins, plus un guide religieux pour cent pèlerins. Les encadrants religieux seront issus du ministère des Affaires islamiques avec des recommandations harmonisées. Les cours religieux, pour préparer le Haj, seront dispensés à partir de septembre et durant le mois de décembre (Dou Alhija).

· Comment avez-vous pu négocier ces prix?
- Pour obtenir des prix, nous avons proposé qu’une commission nationale négocie pour 5.000 pèlerins (ndlr: au lieu de négociations pour 50 à 100 pèlerins, qui se traduisent par un prix d’achat élevé). Le coût de ces prestations supplémentaires est estimé à 1.750 DH, en plus du prix actuel proposé par les Habous. A cela, nous rajoutons une marge brute de 2.000 DH.

· Quel est l’enjeu du fonds commun de garantie?
- C’est une garantie professionnelle et solidaire. Toutes les agences de voyages participantes à l’opération Haj mettent dans un séquestre, durant trois années consécutives, une somme d’argent déterminée (ndlr: 200 DH par pèlerin). Cette somme servira à prendre le relais, en cas de défaillance totale d’une agence. En clair, si une agence dépose le bilan, ses pèlerins, ayant dûment payés leurs prestations, seront totalement pris en charge, avec un service de qualité. Il n’y aura pas de remboursement, mais une prise en charge assurant le transport, l’hébergement et la restauration, conformément au cahier des charges.
Les sommes versées par les agences restent leur propriété tant qu’elles participent à cette opération. Elles peuvent récupérer leur argent dès qu’elles décident de ne plus participer ou qu’elles ne sont plus attributaires du quota, ou qu’elles sont jugées à risque pour les autres. Les agences deviennent donc crédibles et solvables.
La mise en œuvre de ce séquestre ne sera pas déclenchée en cas de mauvaises prestations ou de non-respect du contrat, pour cela, chaque agence est responsable individuellement.

Propos recueillis par
Zakaria CHOUKRALLAH

14.5.06

Les oubliés d’Alzheimer
(Article publié dans TelQuel n°224)
Première cause de démence au Maroc, la maladie de l'oubli touche 20 000 personnes. Dans quatre ans, ils seront 50 000. A part une jeune association à Rabat, personne n’accompagne les malades.
“Chref ou kherref”, littéralement : “il a vieilli et son cerveau s'est ramolli”. C'est ce que l'on entend dire quand une personne âgée est sujette à des oublis. S'il est normal que la vieillesse s'accompagne d'une diminution des facultés mentales, l’Alzheimer n'est jamais trop loin. Au Maroc, ils sont 20 000 à en souffrir et la majorité n'en est même pas consciente. Selon le professeur Mustapha El Alaoui Faris, neurologue à l'hôpital des spécialités de Rabat, le risque va crescendo avec l'âge : 5% des plus de 65 ans, 10% des plus de 75 ans et jusqu'à 20% des plus de 90 ans sont touchés par la maladie. D'après les projections démographiques, d'ici 2010, il y aura 50 000 cas d'Alzheimer au Maroc. Le chiffre pourrait même grossir, le royaume cumulant d'autres facteurs à risques comme l'hypertension artérielle, le diabète ou le cholestérol. “En plus, ces maladies sont chez nous mal prises en charge”, ajoute le médecin.Le plus alarmant, c'est que les Marocains admettent cette “fatalité” en la mettant sur le compte de l'âge. Résultat : “ils arrivent chez le médecin à un stade avancé de la maladie, une fois que le patient 'dérange' son entourage”, s'indigne le professeur. Or, si la maladie est diagnostiquée au début, on peut administrer au malade un médicament qui retarde la démence. Reste que le traitement coûte cher (1200 DH/mois) mais fait quand même gagner du temps sur la souffrance, même si, au fond, la maladie finit par emporter le patient, avec ou sans médicament, au bout d'une dizaine d'années.
Une maladie déroutante
“On est frustré et on regrette de ne pas avoir reconnu la maladie au début”, affirme, dépitée, Karima, dont la mère est malade depuis 1996. Ce n'est qu'en 2001, à la suite d'une crise d'épilepsie, qu'elle a mis un nom sur le mal qui ronge sa mère. Maintenant, elle ne souhaite qu'une chose : que les gens soient informés sur la maladie pour ne pas perdre de temps, d'autant plus que le médicament n'est efficace que dans les premiers stades de la démence. Les médecins en distinguent trois stades. Les premiers indices sont les troubles de la mémoire. Le malade commence par oublier fréquemment où il a mis ses effets personnels : clefs, montre, lunettes, etc., puis des événements qui se sont produits récemment. Si vous présentez ces symptômes, ne vous en alarmez pas pour autant, les troubles de la mémoire ne sont pas forcément synonymes d'un début de maladie d'Alzheimer. “Il convient de distinguer la simple “plainte mnésique” (oublis bénins) qui peut avoir pour origine le stress, le manque de concentration, ou une dépression, et l'atteinte organique de la mémoire, comme c'est le cas dans la maladie d'Alzheimer”, explique le professeur Faris. Si les moins de 60 ans sont rarement atteints par cette maladie, les plus vieux traînent avant d'aller chez un médecin. Or, pour dépister la maladie, il suffit d'effectuer un test “neuropsychologique”, que même un généraliste maîtrise. C'est un questionnaire qui permet de savoir si l'origine des troubles est neurologique - donc si c'est un cas d'Alzheimer, ou pas. Les questions posées sont du genre : “comptez à partir de cent en retirant sept à chaque fois, épelez le mot 'monde' à l'envers, recopiez des phrases, des dessins, etc.”. Le problème c'est que ces tests ne sont disponibles qu'en partie en arabe et sont inutilisables pour les personnes analphabètes.Une dégradation rapide de l'état du maladeC'est à partir du second stade que les symptômes se précisent. Les troubles du langage apparaissent : le malade oublie alors des mots faciles, les remplace par d'autres rendant ses propos incompréhensibles, “au lieu de demander un verre d'eau, le patient montrera du doigt l'objet et dira :'c'est pour boire'”, donne à titre d'exemple le médecin. Puis il aura des difficultés à agencer les phonèmes dans un mot, il dira par exemple “cunette” à la place de “lunette”. Les oublis deviendront plus graves : le patient peut se perdre dans la rue, n'aura plus la notion de l'espace et du temps. Ses capacités de jugement seront, elles aussi, altérées, il aura du mal à résoudre des problèmes simples et pourra facilement se faire escroquer. Il est possible alors qu'il signe des chèques ou qu'il brade un objet en sa possession. Le problème devient plus d'ordre juridique que sanitaire. “Le seul recours alors, c'est de demander au tribunal de désigner un tuteur auquel seront confiés les biens de la personne”, affirme Me Abderrahim Ben Barka, avocat à Rabat. Mais qu'en est-il si l'acte est antérieur à la décision du tribunal ? “Reste à demander son annulation en prouvant que l'intéressé n'était pas en pleine possession de ses moyens. Si on arrive à démontrer que la maladie affecte le jugement de la personne, cela devrait suffire”, ajoute Me Ben Barka. “L'acte sera alors nul et non avenu”, confirme Ahmed Hidass, professeur de droit. Le dernier stade de la maladie est le plus difficile : les lésions au cerveau affectent la motricité du malade qui a de plus en plus de mal à se déplacer et à se nourrir. Il finit par être confiné au lit et devient incontinent. De nouveaux problèmes apparaissent avec, à leur tête, la nécessité de mettre des couches au malade. Un rapide tour dans les boutiques qui vendent ces articles, à Bab el Had, à Rabat, nous renseigne sur la difficulté de s'en procurer. Les paquets sont rares, et pour cause, ils sont tous importés. Leur prix varie entre 120 et 150 DH le paquet de vingt, ce qui peut s'avérer cher à la longue pour les petits revenus.
L'Alzheimer n'oublie pas l'entourage
Le drame de la maladie d'Alzheimer, c'est la souffrance qu'elle occasionne dans l'entourage. “Les rôles sont inversés, vous devenez le maternant de votre parent, avec tout ce que cela entraîne comme culpabilité”, affirme Faris El Alaoui. Cette situation est déroutante pour l'aidant qui est parfois contraint d'être autoritaire. “Dans le second stade de la maladie, ma mère refusait de se nourrir, il fallait alors toute la patience du monde pour la faire manger. Si on ne le faisait pas, elle risquait de mourir de faim”, lance Karima, les larmes aux yeux. “On s'est rendu compte que 'l'aidant' fait facilement des dépressions et développe parfois de véritables maladies”, explique le praticien. Pour l'aider à supporter la charge, il faut que les familles s'organisent pour lui permettre de souffler de temps en temps. La jeune association Maroc Alzheimer (créée en février 2006) organise des séances où les “aidants” se réunissent pour parler de leur expérience autour de psychiatres et de neurologues. Le professeur El Alaoui Faris, président de l'association, explique l'intérêt de ces séances : “Cela fait du bien aux gens de savoir qu'il y a d'autres familles dans la même situation. De plus, les médecins sont là pour répondre à leurs questions et leur montrer comment prendre soin du malade”. Maroc Alzheimer a publié un “guide de l'aidant” disponible au service de neuropsychologie de l'Hôpital des spécialités de Rabat et prévoit une prochaine réunion en mai. “J'ai raté la réunion la première fois, cette fois-ci, je veux absolument y participer”, s'enthousiasme Karima, qui veut à tout prix faire connaître la maladie : “Récemment, un vieil homme de notre quartier a demandé à un voisin de le reconduire chez lui. C'est peut-être un cas d'Alzheimer, j'hésite à en parler avec sa famille”.
Que faire face à un malade ?____________________
Il ne faut surtout pas perdre de vue qu'un malade atteint d'Alzheimer a surtout besoin d'affection. Gardez en tête qu'il conserve toujours ses sentiments mais qu'il a simplement du mal à les communiquer. Pour discuter avec lui, il faut se tenir devant lui et attirer son attention. Parlez lentement et clairement en utilisant des phrases courtes et en délivrant un seul message à la fois. C'est aussi important de le rassurer à la fin de la discussion en terminant sur une note gentille, comme par exemple : “C'est toujours agréable de parler avec vous”. Informez-vous au maximum sur la maladie en composant le numéro économique 082 00 20 30. Si un de vos proches est malade et que vous éprouvez le besoin de parler à des gens dans votre situation, contactez l'association Maroc Alzheimer au 037 77 31 24.
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Le dessin animé japonais expliqué par un de ses maîtres

(Article qui me tenait à coeur et dont L'Economiste ne voulait pas)

  • le cofondateur de la seule structure capable de concurrencer Disney explique le succès du Manga
  • Etudiants en art et professionnels étaient là pour comprendre l’engouement suscité par la bédé japonaise">

Meknès, «la Ouarzazate du cinéma d’animation » comme l’appelle un invité du FICAM (Festival Internationale du Cinéma d’animation de Meknès), consacre son édition 2006 au cinéma d’animation japonais, où tout simplement « animé » comme disent les puristes. Cette année, un invité de marque : le réalisateur Isao Takahata des studios Ghibli, seule structure au monde qui peut se targuer de concurrencer Disney. Takahata a tenu une conférence le Samedi 6 mai où il a expliqué les raisons historiques de la « déferlante Manga » (bédé japonaise).
Quand le maître commence son exposé, la salle remplie aux trois quarts observe un silence religieux. Etudiants en art et professionnels de l’animation sont là pour comprendre l’engouement que suscitent la bédé et les dessins animés nippons. Isao Takahata, qui parle en japonais, est traduit par Ilan Nguyên, un traducteur et un fin connaisseur du sujet. « C’est après la seconde guerre mondiale que la production de bande dessinée explose », lance d’emblée Takahata. Le premier long métrage animé s’appelle « le serpent blanc », précise le réalisateur. Ce film est l’équivalent au Japon de « Blanche Neige ».

Au commencement étaient… des rouleaux
La production japonaise dans le domaine de la bédé et de l’animé est conséquente, elle est sans égal avec ce que l’on retrouve à l’étranger y compris au Maroc, assure le réalisateur. Ses thèmes sont très diversifiés ce qui explique qu’elle ne s’adresse pas uniquement aux enfants : « cela va de la bande dessiné expliquant la ‘théorie du capitale’ à de simples récits sur la vie de bureau », ajoute Takahata. Selon lui, le dessin a toujours fait partie de la culture nipponne. Les premiers récits imagés remontent au 12è siècle. A l’époque, les japonais se servaient de rouleaux de papier sur lesquels ils dessinaient. Le procédé est très cinématographique : au fur et à mesure que le rouleau s’étale, les dessins décomposent l’action à la manière d’un film photo. Sauf que le dessin une fois déroulé forme une vue d’ensemble. L’assistance a pu voir projeté un rouleau où des animaux anthropomorphes se livrent à des jeux de combat, mais aussi un rouleau qui montre un village tétanisé par la vue d’un énorme bol en or surgi de nulle part et qui transporte leur entrepôt de riz. Le trait simple, la coloration rapide et la grande liberté prise avec la réalité préfiguraient déjà le « manga » (littéralement dessin grotesque).

Un petit nez et de gros yeux !
La bédé nipponne doit aussi beaucoup à des artistes comme Hiroshige dont la manière singulière de dessiner la pluie a inspiré Vincent VanGogh, et dont les choix de perspective ont influencé Giotto. Au 18è siècle, les artistes japonais commencent à représenter les visages en très gros plan, cette technique est largement utilisée dans les mangas et s’appelle le « close up ». « Si vous faites attention, vous remarquerez que dans les mangas, on représente souvent les personnage de face avec un petit nez », explique le réalisateur en tenant l’affiche du festival sur laquelle il y a un dessin japonais. « Par contre, en occident on représente les personnages de face en accordant beaucoup d’importance au nez. Au Maroc aussi : cet organe joue un rôle important dans la représentation que vous avez du visage », poursuit Takahata. A ceux qui se demandent pourquoi les yeux des personnages de dessins animés japonais ont des yeux énormes alors que les japonais ont les yeux bridés, le réalisateur répond qu’en l’absence du nez, les yeux deviennent l’élément principal pour transmettre les sentiments des personnages. Ce soir là, Isao Takahata a transmis à tous ceux présents dans la salle le sentiment que les organisateurs ne se sont pas trompés en consacrant l’édition 2006 du FICAM au cinéma d’animation japonais, véritable raz-de-marée au Maroc et ailleurs.
Zakaria Choukrallah

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14.4.06

Bibliothèque nationale:des livres et des maux
(Article publié dans TelQuel n°220)

Carence flagrante en documents et pagaille ambiante : c'est le triste lot de la Bibliothèque nationale, qui attend son déménagement dans des locaux plus adaptés. Reportage.

Quelque 350 000 ouvrages, 200 000 périodiques, en plus des manuscrits et des livres rares… Si la Bibliothèque nationale n'ose concurrencer les plus grandes bibliothèques, elle a au départ un nombre honorable de documents. Pourtant il y a un hic : en chercher un équivaut à chercher une épingle dans une meule de foin. Nombre limité d'ouvrages, des livres la plupart du temps, déclassés, un fichier informatique pas très précis… Malgré tout, la bibliothèque ne désemplit pas, une vingtaine de visiteurs sont attablés dans chaque salle. Dans la masse des usagers, un visage atypique, Kjartan, un étudiant danois qui prépare sa thèse au Maroc. Il vient souvent à la Bibliothèque nationale, mais pas pour chercher des livres : “Je viens pour l'ambiance studieuse qui m'aide à travailler sur mon ordinateur. Quand je veux un document, je vais plutôt au centre Jacques Berque”, nous confie-t-il. De son côté, le directeur, Driss Khrouz, conscient du manque à combler, nous assure : “En 2006, nous avons renouvelé l'abonnement aux revues, suspendu depuis les années 80 et nous nous sommes abonnés aux revues électroniques. Pour les livres spécialisés, nous ne pouvons pas tout avoir. C'est le rôle des bibliothèques universitaires. Nous avons toutefois commandé les références les plus importantes”. En attendant, chaque visiteur a son urgence. Anass prépare un doctorat en droit privé. Il estime qu'il n'y a pas assez d'ouvrages spécialisés. “Beaucoup de livres sont disponibles en librairie mais pas ici. C'est gênant, surtout lorsqu'il s'agit de livres de référence”. Bouchra prépare sa thèse. “Je me déplace à plusieurs reprises à Casa à la fondation Al Saoud pour chercher des documents. Ici, il n'y a que des ouvrages anciens”. Mustapha Kadiri, administrateur, explique : “On remplit le rôle des salles de lecture des facultés. Les étudiants viennent ici car ils n'ont nulle part ailleurs où travailler”.
Une simple salle de lecture
Quand les visiteurs se donnent la peine de chercher des livres, ils doivent composer avec les problèmes d'organisation de la bibliothèque. Première gageure : faire des allers-retours entre deux bâtiments pour pouvoir consulter le fichier informatique. Pas plus tard que l'année dernière, on pouvait faire ses recherches sur place. Mustapha Kadiri explique que c'est pour dégager les couloirs de la salle, encombrée de visiteurs, et ajoute : “La plupart ne savent pas faire une recherche et ont des comportements inciviques comme déplacer les livres”. Comportements que dénonce Bouchra : “Certaines personnes déplacent sciemment les livres de rayon en rayon pour être les seules à connaître leur emplacement et empêchent les autres de les consulter”. Cet avis est partagé par le directeur adjoint, Abdelati Lahlou qui ajoute qu'il y a un manque de personnel pour gérer la salle. “La salle des chercheurs ouvre plus longtemps (de 8h à 19h !), nous sommes obligés de scinder le personnel en une équipe le matin et une autre l'après-midi”. De surcroît, pour trouver un livre, inutile de compter sur le fichier informatique, une partie des entrées est toujours uniquement consultable dans de vieux tiroirs incommodes.
Dix ans de retard
“Le référencement des livres se fait selon le titre et l'auteur uniquement. La recherche par mots- clés n'a pas encore été mise en place”, explique M. Boukili, un informatiste. D'après la direction, le problème sera résolu avec l'acquisition prochaine d'un logiciel de gestion documentaire qui coûte trois millions de dirhams. “Ce logiciel marquera l'entrée de la bibliothèque dans l'ère du numérique”, lance Driss Khrouz. Un investissement certes colossal mais qui ne résout pas tout. Un responsable pointe du doigt le manque d'expérience et de formation des informatistes. De plus, on ne forme plus de bibliothécaires à L'Ecole des Sciences de l'Information (ESI). Toutefois, le directeur adjoint assure qu'un plan de recrutement et de mise à niveau du personnel est sur les rails. Objectif : renforcer l'effectif qui n'est que de sept informatistes et former des profils plus pointus. Autre point noir, le retard dans le traitement des livres. Pour ceux édités au Maroc, le problème est moindre, l'obligation de dépôt légal assure une copie aux lecteurs, mais pour les livres édités à l'étranger, il y aurait un retard de plus de dix ans ! Driss Khrouz est confiant : “Le conseil administratif m'a donné son feu vert pour confier le marché à une entreprise. Je vous garantis que fin 2006, tous les livres seront traités”, assure-t-il. S'il y parvient, il aura réparé les conséquences de la gestion désastreuse de la bibliothèque pendant les années 80. “C'était la siba (anarchie)”, lance un cadre, dépité.
Journaux en péril
Les dégâts sont plus visibles au service des journaux. “C'est au petit bonheur la chance. On peut trouver ce qu'on cherche comme on peut repartir bredouille”, assure un visiteur. Comme pour les livres, la bibliothèque s'alimente du dépôt légal et des collections privées. Selon Saâd Cherkaoui, le responsable de cette section : “Quand un donateur offre sa collection à la bibliothèque, il fournit non seulement des livres mais également des archives de journaux, malheureusement reléguées au second plan”. Depuis des années, les journaux sont entreposés dans des dépôts en attendant de vérifier “l'état de la collection”, c'est-à-dire les journaux réellement exploitables, ceux qui ne sont pas détériorés ou carrément perdus. Le directeur adjoint explique que c'est un problème d'espace qui sera bientôt réglé quand la bibliothèque déménagera dans les nouveaux locaux de 20 832 m2. “L'emplacement actuel sera dédié en partie aux journaux”, explique Driss Khrouz mais selon un autre responsable, rien ne sera réglé tant que le personnel de la bibliothèque ne sera pas mis à niveau. En attendant, les journaux traînent par terre, se détériorent sous l'effet de l'humidité ou, pis encore, sont volés par le premier venu. Aucun procédé de climatisation n'est en place mais pour Mustapha Kadiri, “les journaux ont juste besoin d'être aérés, leur papier est souvent de mauvaise qualité et se détériore facilement”. Soit, mais entasser par piles les journaux ne contribue-t-il pas à accélérer leur détérioration ? Le directeur adjoint assure que des efforts ont été faits pour leur conservation, en attendant qu'ils soient microfilmés et numérisés. Des boîtes de rangement ont été conçues spécialement pour eux mais ces efforts ne concernent qu'une partie infime de la collection. “Priorité a été donnée aux journaux représentant un patrimoine pour le Maroc ou à ceux que l'on ne retrouverait pas ailleurs”, affirme Saâd Cherkaoui. “2006 est une période transitoire , les réformes vont bon train”, lance le directeur adjoint. Oui, mais les documents tiendront-ils jusque-là ? Un responsable lance, sans ironie : “Ils ont bien tenu 50 ans, quelques années de plus ou de moins…”Malgré l'état désastreux dans lequel se trouvent les livres et les journaux, l'optimisme est de bon aloi à la BN. Et pour cause, le déménagement dans les nouveaux locaux, sis à quelques mètres du site actuel, est prévu pour 2007. Mais est-ce seulement une affaire de murs et d'espace ?
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Microfilm, Késako ?
Le microfilm est probablement ce qui va sauver les archives de journaux. Le procédé est déjà utilisé pour les manuscrits et a fait ses preuves ailleurs. L'avantage du microfilm par rapport au CD, c'est sa durée de conservation qui atteint plus d'une centaine d'années. L'opération est simple : à l'aide d'une machine (photo ci-contre), un technicien photographie sur de la pellicule-photo les pages du document qui est ensuite dupliqué. Une première copie est rangée dans les archives et une seconde est mise à la disposition des lecteurs qui peuvent ainsi visionner le document et, s'ils le désirent, obtenir un tirage papier pour 3,50 DH.
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ZC



8.4.06

Le jus de canne à sucre fait un tabac
(Article publié dans L'economiste du 19/09/2005)
· Une boisson très prisée dans la ville
· Le vendeur vante ses vertus thérapeutiques
A première vue, une crémerie comme une autre avec quelques clients en train de siroter un jus ou de boire du yaourt. Pourtant, le gérant, un Egyptien installé depuis peu à Marrakech, y vend un produit peu commun: du jus de canne à sucre. On l’appelle Saïd l’Egyptien. Il maîtrise très bien la «Darija» et paraît fier de son petit commerce. «Je n’ai pas à me plaindre, des gens de toutes les villes du Royaume viennent déguster ma spécialité». Saïd a même placardé une affiche qui vante les vertus thérapeutiques de son produit: «Produit énergétique, riche en vitamines, nettoie les intestins des impuretés, combat l’asthme et les maladies respiratoires, favorise la dissolution des calculs rénaux, etc.»Il se fait même super VRP pour son produit et prétend qu’il est cité par le prophète comme une plante aux multiples vertus. Mais il tempère ses propos en disant «enfin, c’est ce que les gens racontent». Si l’on peut douter de la véracité de ses propos, on ne peut qu’apprécier le goût légèrement acidulé du jus. Qui plus est un grand verre «d’élixir» ne coûte que 5 dirhams et souvent on n’a droit au précieux breuvage qu’après avoir retiré un ticket numéroté. La grosse machine qui broie la canne est importée d’Egypte. Selon Saïd, le jus de canne à sucre est un produit banal là-bas. «J’ai passé 3 ans à Meknès où je vendais le même produit avant de venir m’installer à Marrakech depuis à peine 2 ans. Al hamdou lillah, le commerce est florissant». Quant à la canne à sucre, il me confie qu’il la négocie aux fellahs locaux aux alentours de 300 à 400 dirhams la tonne. «Vous tombez mal!» s’exclame Saïd, «le gel a détruit une grande partie de la récolte, j’attends toujours un arrivage de cannes qui devrait être là au plus tard dans 10 jours». Lorsqu’on avait un bon stock, des files entières de clients attendaient leur tour. La réaction des consommateurs est un mélange de stupeur et de curiosité. Ils sont impressionnés à la vue du broyeur à canne à sucre. Les gens s’arrêtent souvent pour demander ce que c’est. Quand ils goûtent le jus, ils s’empressent d’en parler autour d’eux. C’est grâce au bouche-à-oreille que Saïd l’Egyptien a pu avoir pignon sur rue, loin de chez lui, au Maroc. En attendant la prochaine récolte, Saïd dispose à la place de la machine un présentoir de chips et une glacière de crème glacée.
ZC
Moi pirate de console...
(Article publié dans l'Economiste du 7/11/2005)
· Des consoles formatées à la lecture de jeux piratés
· Comme pour les décodeurs numériques, les schémas de montage sont copiés d’Internet
Le Maroc à l’instar du reste du monde connaît un engouement pour les jeux vidéo, industrie qui se chiffre à plusieurs milliards de dollars et qui a supplanté les jeux de société. Les consoles de jeux vidéo représentent le plus gros du marché et dépassent en termes de chiffres le jeu vidéo pour ordinateur et pour téléphones portables. La Playstation 2 de Sony est la console qui tient le haut du pavé avec 70 millions d’unités vendues dans le monde jusqu’à aujourd’hui. C’est la console la plus populaire au Maroc, mais aussi la plus facile à pirater. A leur sortie d’usine, les consoles sont configurées de manière à ce qu’elles ne puissent pas lire les copies pirates de jeux. Pour contourner cette protection, une puce est installée dans la console. Les consoles «pucées» n’auront alors aucun mal à lire les jeux piratés. Mais là encore, tout dépend de la puce installée et du modèle de console aussi. Si la puce ne pose pas de problèmes pour les consoles Xbox et Game Cube, en ce qui concerne la Playstation 2, c’est tout autre. Il existe plusieurs marques de puces de qualité inégales et plusieurs versions de Playstation 2, ce qui rend la tâche du poseur de puce très compliquée. Noureddine en connaît un rayon, il installe dans son garage transformé en cyber, sis au quartier Badii à Marrakech, le précieux sésame. «J’ai une affection toute particulière pour la puce Ghost, elle est de bonne facture et personne ne s’en est plaint jusqu’à aujourd’hui». Petit bémol, cette puce n’est compatible qu’avec les dernières générations de Playstation2, la PStwo, plus compacte et ultraplate. «D’ailleurs, on ne vend plus que des PStwo, la PS2 classique n’est plus produite». Pour les versions plus anciennes, la Magic 5 est la puce qui présente le meilleur rapport qualité/prix, mais pour les versions SCPH-50000, elle peut mettre hors circuit la lentille. Noureddine se fait payer 400 dirhams pour installer la Magic 5 et 600 dirhams pour la Ghost. · Un commerce qui ratisse largePour pouvoir installer les puces, les schémas de montage sont copiés d’Internet. «Les pirates marocains ne sont pas tous des surdoués de l’informatique, ils se contentent de copier les schémas d’Internet. Le reste est affaire d’expérience», ajoute-t-il. Noureddine a son réseau, mais la plupart du temps il se déplace en personne à Casablanca pour pouvoir se procurer les puces. Selon lui, les importateurs de puces sont souvent les mêmes que ceux qui importent les CD’s et DVD vierges, ce sont de véritables mafias et ceux qui profitent vraiment du piratage. Ils ramènent des containers entiers de marchandises. Parallèlement à cela, Noureddine vend aussi des consoles, des jeux dont le prix n’excède pas les 20 dirhams et tient une petite salle de jeux. «La Playstation 2 est très nettement la console la plus vendue, elle bénéficie de la réputation de son aînée, la Playstation première du nom, la Game Cube et la Xbox, sont, elles, réservées aux initiés. C’est un peu dommage car avec la Playstation 2, on a beaucoup de problèmes, notamment au niveau du bloc optique». Concernant sa clientèle, Noureddine affirme que c’est surtout les jeunes, âgés de 15 à 25 ans qui viennent acheter jeux et consoles. «Bien sûr, il m’arrive de vendre à des enfants, mais ils sont accompagnés de leurs parents et ne reviennent pas souvent». Mustapha est vendeur à Sailane, un établissement spécialisé dans la vente de matériel électronique. Il assure ne pas vendre de jeux originaux. Normal avec un prix oscillant entre 400 et 600 dirhams, qui irait s’aventurer à faire ce genre de dépenses alors qu’il peut se procurer une copie similaire à 15 dirhams? «Nous avons renoncé à la vente de jeux vidéo. On se limite à offrir un jeu original lors de l’achat de la console pour encourager les clients». Ces derniers, confie Mustapha, sont surtout des enfants qui viennent en famille acheter leur console. Si en Europe le gros des achats se fait pendant Noël en fin d’année, au Maroc, c’est en été où les consoles se vendent le mieux. Les ventes chutent généralement durant la rentrée.Les gens ne sont pas dupes, ils savent qu’en installant une puce dans leur console, ils achèteront tous les jeux qu’ils veulent à prix modique. Il arrive même que les vendeurs orientent directement leurs clients vers l’échoppe d’un vendeur de puces. «Pour notre part, nous prévenons nos clients que la pose de la puce annule la garantie, après ils font ce qu’ils veulent», explique-t-il. Un petit tour dans les magasins spécialisés dans le vidéo ludique est suffisant pour se rendre compte que le piratage à encore de beaux jours devant lui. Il est impensable de parler à l’heure actuelle d’un marché du jeu vidéo, tant l’anarchie caractérise ce secteur. A l’image de la musique et des films piratés, le public marocain sera toujours à la page, mais si une industrie locale devait se développer, ce sera rapidement le Game Over… Pour elle.
ZC
"C'est Al Jazeera qui a crée le Qatar"
(Article publié sur le site de l'ISIC www.isic.ac.ma)
Frank Mermier, anthropologue et auteur du livre « mondialisation et nouveaux médias dans le monde arabe », a répondu à l’invitation de l’Institut Supérieur d’Information et de Communication (ISIC) de Rabat. Il analyse les médias dans le monde arabe et la percée de chaînes comme Al-Jazeera. Compte rendu de la conférence.
Vendredi 19 heures dans le grand amphi de l’Institut Supérieur d’Information et de Communication (ISIC) de Rabat. Frank Mermier surprend l’audience en répondant parfois en arabe avec un accent libanais. Normal, il vit et travaille à Beyrouth.Pour le chercheur, le développement des médias audiovisuels dans le monde arabe, surtout la télévision et Internet, est saisissant. Cela contraste avec le développement de la presse écrite et de l’édition. Il impute cela au retard qu’a pris l’introduction de l’imprimerie dans le monde arabe. Mermier nuance ses propos : le pluralisme politique que connaissent certains régimes –le Yémen et l’Irak post Saddam, par exemple- favorise « l’efflorescence » de titres de presse. Mermier déplore le sous développement de l’édition, d’autant plus que c’est l’un des rares domaines bénéficiant d’autonomie et où l’on peut innover sans craindre la censure. La directrice de l’ISIC, Latifa Akharbach enfonce le clou en avançant un chiffre effarent : dans l’espace arabe qui compte 284 millions d’habitants, les best-sellers ne sont écoulés qu’à 5000 exemplaires en moyenne. Un chiffre qui fait froid dans le dos comparé aux millions d’exemplaires vendus dans les pays occidentaux. Devant le peu de lecteurs et avec l’encouragement de certaines capitales arabes, les chaînes satellitaires se sont multipliées. 200 nouvelles chaînes ont vu le jour dont plusieurs sont spécialisées. Treize sont des chaînes d’information continue. La plus connue est Al-Jazeera.Parole aux minorités« C’est Al-Jazeera qui a crée le Qatar » lance Frank Mermier. « La chaîne qatarie est un instrument de communication intelligente de la part d’un petit pays comme le Qatar », explique Abdellatif Bensfia, enseignant à l’ISIC. Et d’ajouter : « Ce pays a tout compris, il réussi le pari d’exister politiquement face à l’Arabie Saoudite en utilisant une “arme“ moderne : les médias ». Le pays, proche des Etats-Unis a laissé une grande marge de manœuvre à la chaîne. Elle est désormais crédible aux yeux de la population arabe, car elle donne la parole aux minorités et respecte les standards professionnels internationaux. Al-Jazeera a ouvert une brèche, mais les chaînes nationales ne suivent toujours pas. Latifa Akherbach dénonce cet état : « nous avons besoin de télés libres dans tout le monde arabe ». Ce qui impressionne, de l’avis de Frank Mermier, c’est que « ces chaînes ont réduit l’hégémonie occidentale des images télévisuelles ». On voit régulièrement le logo “Al-Jazeera exclusive“ apparaître sur les chaînes les plus prestigieuses, à commencer par CNN. Mais pour les occidentaux, « Al-Jazeera cristallise tous les phantasmes » explique Frank Mermier; elle y est régulièrement accusée de faire de la propagande.TéléréalitéMermier avance l’idée qu’un « nouvel arabisme » fait son chemin. Signe qui ne trompe pas : le nom même de certaines chaînes comme « Al-Arabia » (littéralement « l’Arabe ») ou « Al-Sumaria » (en référence au pays de Sumer et son peuple installé en Mésopotamie -actuel Irak). Ces chaînes sont entrain de créer une culture de masse différente car originale, mais qui cherche à diffuser une culture médiane. Par exemple les émissions de télé réalité libanaises « Star Academy » et « Popstars ». Ce constat oppose ces nouvelles chaînes qui s’adressent à un citoyen consommateur, aux chaînes nationales où le téléspectateur est perçu comme un citoyen à éduquer et à encadrer. La société de consommation à l’américaine se frayerait-elle un chemin dans le monde arabe ? C’est ce que soutien Mermier.
ZC
A l'écoute des femmes violentées
( Article pour le compte du FNUAP (c) )
On a beau chercher dans un dictionnaire, le terme écoutante n’y figure pas. Pourtant, c’est le travail qu’accomplit chaque jour, du lundi au samedi matin, Nadia, à l’association Ennakhil pour la femme et l’enfant à Marrakech. Les locaux exigus de l’ONG accueillent chaque jour une dizaine de femmes victimes de violence. Quatre écoutantes sont chargées du premier contact et du soutien moral de ces femmes.Cela fait 5 ans que Nadia fait ce métier, c’est à dire depuis le commencement du projet. Au départ rien ne prédisposait cette jeune femme à ce métier, elle est licenciée en géologie, mais elle a fait le pari du social, et dit elle même « s’y retrouver ». Des psychologues l’ont formés aux techniques d’écoute. Elle a apprit à observer d’abord et ensuite à mettre en confiance les femmes qu’elle reçoit. C’est pourquoi les premières séances sont consacrées à la présentation de l’association et au réconfort des victimes. Passée cette étape, elle essaie au maximum de poser des questions ouvertes, c’est à dire qui permettent aux femmes de raconter librement leur vécu. La plupart du temps, il faut reformuler le discours des victimes encore sous le choc. Et des victimes, il en arrive de Marrakech et de toute la région environnante. Les femmes connaissent l’association grâce au bouche-à-oreille et parfois à travers la cellule sociale de l’hôpital Ibn Tofaïl où encore la cellule d’écoute de la police judiciaire. Les trois fonctionnent selon le principe des vases communicants, avec une spécificité pour chacun d’entre eux. L’hôpital reçoit systématiquement tous les cas de violence extrême, car nécessitant l’hospitalisation, La PJ reçoit les affaires aux stades avancés et Ennakhil, quant à elle, à une vocation plus sociale, elle accompagne psychologiquement et aide juridiquement les femmes qui l’a sollicitent. La plupart des cas sont des violences conjugales. « Quand le cas n’est pas grave, on essaie de réconcilier la femme et son mari, mais quand c’est plus grave, on oriente directement vers la PJ, si la femme le désire bien sûr» renchérit Nadia. Car les femmes refusent parfois de recourir à la justice, à cause de sa lenteur et pour que leurs enfants ne subissent pas les conséquences de ce genre de procédures. Le travail de l’écoutante s’apparente beaucoup à celui du psychologue. Réconforter les femmes qui arrivent est sa mission première. Certaines d’entre elles ne vont pas plus loin, mais au moins cela leur permet de trouver quelqu’un qui les écoute. «Écouter est très difficile, il faut une attention de tous les instants et beaucoup de patience » explique Nadia. Selon elle, la violence touche tous les milieux et toutes les catégories sociales », de plus, la majorité des femmes ignorent les avancés de la moudouwana. Et ne vous y trompez pas « Même les femmes qui ont fait des études supérieures, parfois même de droit ( !) ignorent la loi ». Mais la moudawana a permit au moins une chose, les femmes s’orientent plus volontiers à Ennakhil car elles savent désormais que quelque chose a changé, et que ce changement est positif. C’est le rôle de l’association de les sensibiliser sur le contenu. « La moudouwana n’est pas tombée du ciel, elle est le fruit du combat des associations féminines de tous le royaume ». Nadia est militante dans l’âme, elle se demande comment elle a pu se marier en ayant en tête ce topo peut reluisant des hommes marocains. Mais elle est confiante, sa famille la soutient à 100%. « Ma mère me dit toujours que tous les hommes ne sont pas pareils et que certaines fois, c’est la femme qui a tort ». « Mais rien n’y fait, je n’arrive pas à le concevoir ! ». Nadia a vu tellement d’atrocités qu’il lui arrive de ne pas dormir la nuit. Pour cela, elle et ses amis écoutantes bénéficient de séances avec des psychologues tous les trois mois, pour « tenir le coup ». « Une femme qui fait l’écoute, c’est comme l’infirmière qui reçoit chaque jour des malades graves ».
Le cas d’une jeune muette violée---------------------------------------
Une histoire a beaucoup marqué Nadia. Elle a tenu à nous la raconter. Les événements remontent à 3 ans et ont étés largement couverts par les journaux et 2M. Une jeune muette de 15 ans est victime d’un viol. Cela s’est passé au Douar Oulad Hassoun, proche de Marrakech. L’agresseur (36 ans) et la fille sont issus du village. Après qu’il ait accomplie son forfait, l’agresseur jette la pauvre fillette dans un puit et lui lance des cailloux. Le choc occasionné par la chute provoque de multiples fractures. L’adolescente est restée 7 jours dans le puit, ses gémissements ont fini par alerter la population. La fillette a été admise à l’hôpital Ibn Tofaïl de Marrakech dans un état critique. Les assistantes sociales ont ensuite alerté l’association Ennakhil qui a dépêché une écoutante sur les lieux. C’est la mère de la fillette qui a pu traduire à l’écoutante les gestes de la fille.
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ZC
Les foyers féminins s'ouvrent à leur environnement
( Article pour le compte du FNUAP (c) )
Quelque chose a changé dans le foyer féminin de Hay Mohamadi de Marrakech. Le centre est désormais équipé d’une salle multimédia connectée à internet, alors que la salle comportait seulement des ordinateurs réservés aux études. Elle ouvrira bientôt ses portes à tous, et pas seulement aux étudiantes du foyer, moyennant un abonnement symbolique. La personne chargée de l’encadrement vient tout juste de prendre ses fonctions. Elle trouve déjà des difficultés à concrétiser le projet. « j’ai décelé du matériel défectueux, j’attends qu’il soit remplacé », s’exclame-t-elle. Mais rien d’insurmontable, le problème se situe autre part, comment concilier les horaires de cours avec les horaires d’ouverture du cyber ? Un problème épineux que la direction n’a pas encore résolut. Mais quoi qu’il en soit, la salle multimédia répond à une attente importante de la population défavorisée de ce quartier : avoir accès aux technologies de l’information et de la communication à un prix raisonnable. La directrice du foyer nous explique que certaines de ses étudiantes n’arrivent même pas à payer la cotisation mensuelle de trente dirhams. C’est dire la précarité et le besoin d’une telle population. D’ailleurs, ils ne cachent pas leur satisfaction, pour eux ce cyber vient à point nommé et leur permettra de pallier l’absence d’une bibliothèque au sein de l’établissement. Mais attention, pas question d’utiliser la salle à des fins autres qu’éducatives. Elle est consacrée exclusivement à la recherche et l’éducatrice y veille. Autre exemple, le foyer féminin du quartier Azli à Marrakech. Ce dernier bourdonne d’activité. Entre les cours, les multiples ateliers (broderie, coiffure, informatique, peinture sur verre et céramique) et les répétitions d’une pièce de théâtre, les étudiantes sont bien occupées. Parmi elles, des « éducatrices pairs », c’est à dire des jeunes filles particulièrement actives et réceptives qui ont étés formées aux techniques d’écoutes et sensibilisées par rapport aux dangers des maladies sexuellement transmissibles. Ces filles sont chargées ensuite de répandre l’information tout autour d’elles. Et elles se sentent réellement investies d’une mission. Dans la salle des activités socioculturelles aménagée avec l’aide du FNUAP, elles peuvent se réunir, organiser des activités et distribuer des dépliants de sensibilisation. Elles sont fières de la pièce de théâtre qu’elles préparent. Elle raconte l’histoire d’une jeune femme victime de violence et qui essaie par tous les moyens de s’en sortir. Une expérience similaire a été tentée au foyer féminin de Hay Mohamadi. Ces étudiantes ont surtout appris à écouter et à donner de l’importance à leurs interlocuteurs. Les filles ont confiance en elles et se confient tout naturellement. Mais elles vont aussi à la rencontre de leurs paires, souvent dans des conditions informelles «la plupart du temps, on se rencontre au hammam ou chez une voisine ». Mounia, une des bénéficiaire, dit que grâce à cette formation, elle s’est débarrassée de ses tabous, elle ose maintenant aborder avec les filles des thèmes comme la prévention des maladies sexuellement transmissibles et elles les orientent vers le centre de santé. Chose surprenante, elles sont même sollicitées parfois par des adultes… des femmes de 30 à 40 ans leurs demandent conseil. Les éducatrices paires sont aussi les premières à bénéficier de cette formation. L’une d’elle avoue même que la formation lui a apprit comment agir dans sa propre vie. Quelques regrets tout de même, le manque de matériel et la rareté des séminaires de formation.
ZC
"Très" sages femmes
(Article pour le compte du FNUAP (c) )
C’est l’histoire de jeunes citadines qui ont choisi de travailler à la campagne. Leur profession : sages femmes. Leur mission : sauver des vies. Nous avons rencontré l’une d’elles. Sofia nous parle de la difficulté de son métier, mais aussi de la joie de donner la vie.
Un peu timide, voilée mais communicative et enjoué, Sofia Tamalout exerce le métier de sage femme au centre de santé de Sahrij. Elle est là depuis deux ans. Elle partage cette responsabilité avec une autre sage femme et une infirmière polyvalente venue dernièrement. Sofia nous confie, non sans fierté, avoir aidé près de 300 femmes à accoucher. Un métier difficile selon elle, qui exige une grande disponibilité et un sens aigu de la communication. D’ailleurs son travail ne lui laisse aucun répit, durant les semaines de garde, elle est obligée d’être à la disponibilité du centre 24h/24.Accoucheuse en sérieElle nous raconte son premier jour dans le centre de santé : «la première chose qui m’effrayait, c’était l’énorme responsabilité dont je suis investie. Je n’étais plus étudiante, mes actes avaient des conséquences directes sur les patientes, l’erreur n’était plus tolérable ». D’ailleurs, dès son arrivée, elle a du faire un premier accouchement. «Heureusement, tout s’était bien passé. J’étais soulagée et contente d’y être parvenue seule ». Sofia avoue être chanceuse à plus d’un niveau, elle est soutenue par toute l’équipe, et surtout par le major de la circonscription, Miloudi Hamdouchi. Selon elle, c’est grâce à la grande souplesse de travail qu’elle et ses collègues arrivent à accomplir leur mission. Un exemple pour illustrer ces propos. Le jour même de notre visite, la seconde sage femme du centre était absente à cause du décès de son père. Selon la loi, elle n’a droit qu’a 3 jours de congé, mais le major va lui en octroyer plus. Miloudi nous explique pourquoi : «Notre objectif, c’est que le travail soit accomplie correctement, or cette jeune femme ne pourra jamais supporter la pression car elle est encore sous le choc. Il est hors de question de la faire travailler au risque de mettre en danger la vie des femmes enceintes ». Sofia bénéficie aussi d’un autre avantage. L’endroit dans lequel elle travaille est plutôt accessible par les transports, ce qui n’est pas le cas de tous les centres ou travaillent les sages femmes. L’une de ses amies, par exemple, travaille dans un douar. A chaque fois qu’elle désire ce rendre chez ses parents à Marrakech, c’est l’expédition. Elle doit traverser plusieurs kilomètres de piste avant de trouver un taxi qui veuille bien l’emmener.Une intégration difficileSofia a réussi à s’intégrer en campagne, mais ça n’a pas toujours été le cas. La première difficulté à laquelle elle a du faire face, c’est les divergences de mentalités. «Le taux d’analphabétisme est très élevé ici. Même si en ville il y a des femmes analphabètes, leur environnement les aide à prendre conscience de beaucoup de choses » dit avec dépit Sofia. Les femmes rurales ont aussi des réflexes différents des citadines, elles ne s’adressent au centre d’accouchement que quand leur grossesse présente des complications. « En compagne, les femmes sont très récalcitrantes aux conseils médicaux. Il arrive que les conseils que je leur donne ne soient pas pris en compte à cause d’une femme du village qui leur a dit le contraire » renchérit Sofia. Mais la confiance se gagne, et les femmes finissent par lui accorder la leur. La preuve, le taux de femmes qui ont recours au centre augmente. «Au début, elles n’étaient qu’une vingtaine à arriver chaque mois, maintenant, leur nombre dépasse les 40» explique Sofia, registre du centre à l’appui. Mais cela pose un autre problème, le nombre réduit du personnel et le matériel insuffisant. En effet, les deux sages femmes, l’infirmière et la seule ambulance qui équipe la circonscription paraissent bien chétifs comparés au nombre de patientes qui attendent dans les deux salles d’attente. De plus, le matériel disponible est loin de répondre aux attentes de la population. «On ne possède pas le matériel pour la réanimation des nouveaux nés, pas de table chauffante non plus ni de ventouse ou de bouteille d’oxygène» avoue Sofia. Elle essaie donc de repérer au maximum les complications avant l’accouchement. Pour l’instant, ses efforts ont l’air de porter ses fruits, aucun décès maternel n’a été enregistré depuis la création du centre.
ZC
Un espace pour parler de la santé des jeunes
(Article pour le compte du FNUAP(c) )

« Il existe deux sortes d’accueil : l’accueil chaleureux et l’accueil… malheureux. Nous, nous préférons le premier ». C’est Abderrahman Qrich, animateur à l’espace santé des jeunes de Marrakech qui s’exprime ainsi. La réalité est pour une fois conforme aux promesses. L’Espace Santé des Jeunes, ESJ pour les intimes, est un endroit convivial, doté d’ordinateurs connectés à Internet, d’une salle de consultation équipée et d’une salle pour écouter les problèmes des jeunes. Il ressemble plus à un mini centre culturel qu’à un centre de santé. Quand on y entre, on trouve un petit comptoir d’accueil, et une salle d’attente dans laquelle on a installé une télévision, un lecteur DVD et une chaîne Hi-Fi. Juste à côté, le centre névralgique de l’ESJ, la salle polyvalente dans laquelle un comité constitué de jeunes particulièrement motivés se réunissent deux fois par semaine pour organiser des activités. Farés est l’un d’entre eux, il dit avoir connu l’espace santé par hasard. «Je passais par le quartier et j’ai découvert par hasard l’existence du centre. M. Abderrahman m’avait gentiment accueillit, je lui ai posé une question toute bête “Espace santé des jeunes, c’est quoi“ Il m’a alors présenté au docteur Zahir qui m’a expliqué que l’espace santé des jeunes n’est pas un dispensaire, mais un endroit ou on peut parler de nos problèmes en toute intimité, s’informer et consulter gratuitement. Depuis ce jour, il m’arrive de venir au centre sans raisons particulières ». Le comité de bénévoles dans lequel travaille Farés à de grandes ambitions : créer un site web et élaborer des affiches sur l’activité de l’ESJ, mettre en place une caravane itinérante pour pallier l’inexistence d’autres espaces santé à Marrakech… La salle polyvalente est aussi équipée d’ordinateurs branchés sur Internet. Les jeunes peuvent utiliser les PC sans restrictions. « Seule condition, que ce soit uniquement pour des recherches dans le domaine de la santé » explique le Dr. Zahir. Lamia est lycéenne, elle utilise chaque fois qu’elle en a besoin l’ordinateur de l’espace santé «Je cherche des informations sur le Sida pour un exposé, je viens à l’espace santé pour faire des recherches sur Internet». Lamia a connu l’ESJ grâce à une de ses amies, elle est satisfaite des services du centre. « C’est différent de l’hôpital, ici on nous laisse tranquilles, on ne nous dit pas qui êtes vous ou que venez-vous faire ici. On se sent libres. En plus, le personnel est souriant».A l’espace santé, on a aussi aménagé une salle pour l’écoute des jeunes en difficulté. Le Dr Zahir avoue que la plupart des jeunes viennent pour cela. «Un jour, on a reçu la visite d’un adolescent de 13 ans atteint d’un rhumatisme articulaire aigu (RAA). Malgré son état grave, il refusait de prendre ses médicaments. Pour pouvoir lui administrer son injection d’extanciline, il a fallut que six personnes le maîtrisent. On a fait avec lui plusieurs séances d’écoute, et maintenant, il vient seul, tout les vingt jours, pour faire son injection». Sur ce qui les motivent pour faire ce travail, l’équipe est unanime, «Nous considérons les jeunes qui nous visitent comme nos propres enfants».
Z.C.
Ceux qui feront 2030
(Simple synthèse d'une enquête L'Economiste/Sunergia)
Les jeunes, qui sont-ils, comment vivent-ils, que pensent-ils. Réponse dans cette synthèse de la série d’articles publiés dans L'Economiste à la suite d'une enquête sur le terrain effectuée par le cabinet Sunergia. Bonne lecture
Le quotidien L’Economiste a mené une enquête de grande envergure conduite par le cabinet d’études Sunergia en l’automne 2005. Elle a concerné un échantillon de jeune de 16 à 29 ans : 390 garçons et 386 filles. La méthode utilisée est celle des quotas : un échantillon représentatif des jeunes marocains sur la base du dernier recensement du Haut Commissariat au plan.La répartition géographique, les CSP (catégories socioprofessionnelles), le sexe, l’age et la zone d’habitation ont été pris en compte.L’enquête confirme une grande partie des à priori sur les jeunes, mais elles apporte des indices chiffrés et crédibles.Sexe : hypocrisie et je-m’en-foutisme(C.F. L’Economiste du 18 Janvier 2006)67% des garçons affirment avoir déjà eu des expériences sexuelles tandis que 66% des filles jurent le contraire. Conclusion de l’Economiste : les filles se cachent et les garçons se vantent. Plus loin on découvre qu’un tiers des garçons affirme avoir eu sa première relation sexuelle avec sa copine, mais un autre tiers dit l’avoir eu avec une… prostituée. Les choses paraissent plus claires. Notons que seuls 24% des filles disent avoir couché avec leurs copains.L’hypocrisie et le manque d’expérience sexuelle se traduit par des comportements à risque, la non utilisation des moyens de contraception (seulement 36% des filles y ont recours). Aucun jeune ne cite le danger d’attraper une maladie sexuelle, pis encore certains croient que le cancer est une MST ! Un homme sur trois se soucie d’éviter une grossesse et une femme sur trois s’inquiète d’attraper une MST. Le risque de laisser-aller s’accroît en compagne et dans les classes sociales les plus défavorisées. AlarmantAmour : « real lovers »(C.F. L’Economiste du Mercredi 18 Janvier 2006)54% de garçons ont une copine/45% des filles ont un copain. 64% des filles contre 50% des garçons pensent qu’il est compliqué de vivre une relation amoureuse. Plus on est pauvre plus on a tendance à le croire. Pour les filles, le principal obstacle, c’est les parents et l’entourage familiale, suivi des qu’on dira t’on (23%) puis des coutumes et traditions (23% aussi). Autre son de cloche chez les garçons ou c’est surtout le manque d’argent le principal obstacle (40%), suivi de l’entourage et de la famille .Dans le même ordre d’idées, 34% des garçons pensent que réussir équivaut à avoir beaucoup d’argent (26% des filles). La proportion est plus importante chez les 25-29 ans (1 jeune sur 4). Le taux de réponse sur les risques de contracter une MST, d’avoir une grossesse ou la perte de la virginité est marginal (cette dernière donne a été analysée par l’hebdomadaire TelQuel comme une révolution dans les mœurs). Détail notable : les jeunes ne pensent pas que la religion soit une entrave à leur émois)Argent : Matérialistes mais « mardiyiines »(C.F. L’Economiste du 20 Janvier 2006)92% des garçons et 88% des filles affirment vivre avec leurs parents et prennent au moins un repas à la maison parentale. Seulement 29% des 25-29 ans sont indépendants. Ces chiffres sont proches quelle que soit la CSP, au rural comme à l’urbain.56% des jeunes de 16 à 29 ans sont dépendants financièrement de leurs parents. Le taux est plus élevé chez les filles (65%) que chez les garçons (46%). Plus grave, seul 29% des 25-29 ans se disent indépendants.Chose surprenante : 59% des 16-17 ans disent aider leurs parents, alors qu’ils dépendent d’eux à 86% ! Kafkaïen ? Non, si on considère que la solidarité fonctionne dans les deux sens. Plus on est riche, moins on est débrouillard (70% des CSP A et B sont dépendants financièrement de leurs parents)Religion : de beaux jours pour l’intégrisme(C.F. L’Economiste du 24, 25 Janvier 2006)44% des jeunes pensent qu’Al Qaïda n’est pas une organisation terroriste. 38% ne savent quoi répondre. Les hommes sont plus radicaux que les femmes (50% contre 37%). Seulement 19% des jeunes hommes pensent qu’Al Qaïda est une organisation terroriste.Il semblerait que la politique américaine soit mise en cause. 76% des jeunes pensent que l’intervention en Irak est « inutile et négative ». Les jeunes voient donc en Al Qaïda une alternative aux américains, « un contre-pouvoir » selon l’expression de L’Economiste.Autre aspect du rigorisme montant : le voile. Une grande partie (49%) des jeunes sondés préfèreraient que leur femme soit voilée. 57% des jeunes âgés de 16 à 29 ans sont favorables au port du voile. Les « Hijab addicts » se recrutent le plus parmi les classes les plus défavorisées : 56% des CSP C et B contre 61% de la classe D. Selon l’avis du sociologue Jamal Khalil, publié dans un article de TelQuel du 28 janvier au 3 février : « Ces jeunes se sentiraient plus en confiance avec des femmes voilées. Il auront ainsi la garantie de quelque chose, que ces filles n’ont pas eu de relations sexuelles avant la mariage ». A propos du mariage, l’enquête révèle que 87% des hommes et 58% des femmes préfèreraient épouser une musulmane. Mais pour 67% des hommes, épouser une non marocaine ne pose pas de réel problème. Ça se corse si elle est non musulmane, car seulement 73% convoleraient en noces avec elle. Explications du sociologue Jamal Khalil : « Pour se donner bonne conscience, un passage protocolaire chez las adouls ne fait aucun mal »Moudouwana oblige, 79% des jeunes sont contre la polygamie, surtout les filles (88%). Mais sachez que 30% des jeunes hommes ne disent pas non à un ménage à plusieurs.Seuls ombre au tableau pour les ayatollahs qui voudraient endoctriner les jeunes, 78% des hommes croient en les jnouns (esprits) contre 54% des filles. Dans le même ordre d’idées, 67% des hommes croient au Shours (gris-gris) contre 52%¨des filles. Conclusion : les hommes sont plus superstitieux que les femmes.Plus on prend de l’âge et plus on est crédule à ce genre de choses. 74% des jeunes, soit 1 sur 4 âgés de 25 à 29 y croient et ceci toutes classes sociales confondues.Politique : La déshérence(C.F. L’Economiste du 27 janvier 2006)95% des jeunes ne s’identifient à aucune tendance politique. Pas même au Parti de la Justice et de Développement (P.J.D.). 68% disent « ne pas avoir confiance en la politique ».73% des jeunes pensent que nos parlementaires nous représentent mal. Les classes aisées sont plus sévères que les plus défavorisées 76% (A et B) contre 67% (D). Plus on est âgé, plus ce jugement est sévère.Résultat de la montée de l’intégrisme (voir plus haut), 32% des jeunes pensent que la religion doit guider les partis politiques. 37% pensent le contraire et 31% ne se décident pas. Selon l’analyse de L’Economiste, la partie de l’échantillon qui ne se prononce pas représentera la part à convaincre durant les prochaines batailles électorales.L’enquête Sunergia-L’Economiste a suscité pas mal de réactions de la part de la presse. L’AFP s’est intéressée aux relations sexuelles des jeunes et ce qu’ils pensent d’Al Qaïda. Le Journal islamiste proche du PJD Attajdid a carrément généralisé la préférence du port du voile à tous les marocains. Al Bayane, organe du Parti du Progrès et du socialisme (PPS) tire la sonnette d’alarme quant à la disponibilité des jeunes à être enrôlés par les « djihadistes » du Maroc. TelQuel, newsmag indépendant, a lui titré : « nos jeunes sont inquiétants »
ZC