6.10.06

Une journée au «bureau des épaves»

(L'Economiste du 5/10/2006)

· Aux «objets trouvés», documents, sacs et même téléphones portables
· L’idéal: Equiper le bureau d’un téléphone

N’avez-vous jamais oublié un bagage dans un taxi? Egaré votre carte nationale ou votre permis? Dans chaque ville, il existe un «bureau des épaves» qui collecte tous les objets perdus remis à la police. Avec de la chance, votre sac, votre permis pourrait encore s’y trouver! A Casablanca, le bureau des épaves se trouve au Boulevard Brahim Roudani. C’est une petite pièce assez modeste et entourée d’habitations. L’officier de Police qui y travaille est affable. Ses collègues le surnomment «El Bahja». «Le joyeux», en raison de ses origines marrakchies et de sa bonne humeur. «Il faut bien cela, pour recevoir les citoyens parfois sur les nerfs. Il faut les comprendre, la plupart se sont fait voler et n’espèrent plus retrouver ce qu’ils ont perdu», explique l’officier. Ce jour-là, une jeune femme gare précipitamment sa voiture sur le boulevard. Elle s’est fait arracher son sac à côté d’un poste de Police. Elle est contrainte de rouler sans permis. L’officier la reçoit, fait défiler devant elle les permis de conduire qu’il a reçus. Le sien n’y est pas. Elle repart en pestant contre les policiers «qui n’ont rien fait alors que le vol a eu lieu devant leurs yeux». L’officier lui dit de revenir dans deux jours, en espérant que quelqu’un retrouve son permis et l’envoie par poste.Pourquoi la poste? «Les gens se sont mis en tête que c’est la poste qui restitue les documents égarés. En réalité, chaque semaine un facteur vient remettre les documents qu’ils ont reçu. Un service qu’ils ne sont même pas obligés d’assurer», explique l’officier.Rares sont les gens qui connaissent le «Bureau des épaves». C’est soit la police où un proche qui a déjà eu recours à ce bureau qui les renseigne. Pourtant, ce service légué par le protectorat français, existe depuis la création de la police. «Les gens se sont simplement mis dans la tête qu’ils ne peuvent jamais retrouver ce qu’ils ont perdu», commente l’Officier. Une impression pas si infondée que cela car rares sont les objets de valeur qui arrivent sur le bureau de l’officier. A part une dizaine de téléphones portables, et des lunettes oubliées dans les taxis, aucun objet de valeur à l’horizon. Par contre, on trouve pas mal d’objets insolites. Comme cette butane de gaz oubliée dans le coffre d’un taxi et qui attend sagement qu’on vienne la chercher. N’est-ce pas dangereux? «Regardez, le local est bien aéré, aucun souci à se faire», répond d’un air amusé l’officier. «Il nous arrive de recevoir même de la nourriture. Lors de l’Aid El Kébir, on nous avait même remis un demi-mouton que quelqu’un avait oublié dans un taxi. Dans ces cas-là, on donne la nourriture aux orphelinats», raconte l’Officier.
Pas de téléphone!
Les autres objets aussi ne sont pas gardés indéfiniment. Les vêtements sont gardés 3 mois, les objets en plastique 6 mois, et le reste 1 an et 1 jour. Après ce délai, si personne ne les réclame, ils deviennent la propriété de l’Etat et sont vendus aux enchères. Les documents eux non plus ne sont pas logés sous la même enseigne. Les permis de conduire sont gardés 5 mois, les cartes nationales quant à elles, ne sont gardées que 3 mois. Pourquoi ces délais si courts? «Pour la simple raison que pour la carte d’identité par exemple, il faut déposer une déclaration de perte et avoir le document dans moins de trois mois. Aussi, personne ne peut circuler sans permis de conduire», explique l’officier. Si au bout de ce délai, personne ne vient réclamer le document, il est envoyé au service qui l’a édité. La carte d’identité, par exemple, est remise à la Direction Générale de la Sécurité Nationale à Rabat. Chaque semaine, c’est en moyenne une cinquantaine de permis de conduire et autant de cartes nationales qui atterrissent au bureau des épaves. Quinze à vingt personnes viennent chaque jour les réclamer. De plus, le bureau des épaves envoie une convocation à tous ceux qui ont perdu leurs papiers. L’officier assure que seule la moitié des convocations aboutit. Les gens refont probablement leurs papiers entre-temps. Les malchanceux qui ont perdu un document sont contraints de venir à chaque fois demander. Le bureau ne disposant même pas d’un téléphone! L’officier utilise son propre téléphone portable. Qui paye les communications? Il assure le faire de sa poche.
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Encadré
Les «objets trouvés» ailleurs.
LE service des objets trouvés de Paris fait preuve d’une organisation sans faille. Chaque jour, 600 à 700 articles arrivent dans ce service. Ils proviennent des taxis, des trains, des particuliers, des commissariats, des musées, des grands magasins, etc. En moyenne, 150 objets sont restitués à leurs propriétaires. Mieux, dans le cas où un particulier ramène l’article, il dispose du «droit de l’inventeur». C’est-à-dire qu’il peut reprendre l’objet si au bout d’un délai déterminé personne ne le réclame. Un centre d’appel est mis à la disposition des citoyens. Ils peuvent appeler si l’objet perdu porte leur nom ou adresse. L’opératrice vérifie dans les bases de données s’il se trouve en stock. Si l’objet ne porte pas les coordonnées de son propriétaire, il suffit d’envoyer par courrier une déclaration de perte dont le modèle est disponible sur le site web www.prefecture-police-paris.interieur.gouv.fr
Zakaria CHOUKRALLAH

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