Le dessin animé japonais expliqué par un de ses maîtres
(Article qui me tenait à coeur et dont L'Economiste ne voulait pas)
- le cofondateur de la seule structure capable de concurrencer Disney explique le succès du Manga
- Etudiants en art et professionnels étaient là pour comprendre l’engouement suscité par la bédé japonaise">
Meknès, «la Ouarzazate du cinéma d’animation » comme l’appelle un invité du FICAM (Festival Internationale du Cinéma d’animation de Meknès), consacre son édition 2006 au cinéma d’animation japonais, où tout simplement « animé » comme disent les puristes. Cette année, un invité de marque : le réalisateur Isao Takahata des studios Ghibli, seule structure au monde qui peut se targuer de concurrencer Disney. Takahata a tenu une conférence le Samedi 6 mai où il a expliqué les raisons historiques de la « déferlante Manga » (bédé japonaise).
Quand le maître commence son exposé, la salle remplie aux trois quarts observe un silence religieux. Etudiants en art et professionnels de l’animation sont là pour comprendre l’engouement que suscitent la bédé et les dessins animés nippons. Isao Takahata, qui parle en japonais, est traduit par Ilan Nguyên, un traducteur et un fin connaisseur du sujet. « C’est après la seconde guerre mondiale que la production de bande dessinée explose », lance d’emblée Takahata. Le premier long métrage animé s’appelle « le serpent blanc », précise le réalisateur. Ce film est l’équivalent au Japon de « Blanche Neige ».
Au commencement étaient… des rouleaux
La production japonaise dans le domaine de la bédé et de l’animé est conséquente, elle est sans égal avec ce que l’on retrouve à l’étranger y compris au Maroc, assure le réalisateur. Ses thèmes sont très diversifiés ce qui explique qu’elle ne s’adresse pas uniquement aux enfants : « cela va de la bande dessiné expliquant la ‘théorie du capitale’ à de simples récits sur la vie de bureau », ajoute Takahata. Selon lui, le dessin a toujours fait partie de la culture nipponne. Les premiers récits imagés remontent au 12è siècle. A l’époque, les japonais se servaient de rouleaux de papier sur lesquels ils dessinaient. Le procédé est très cinématographique : au fur et à mesure que le rouleau s’étale, les dessins décomposent l’action à la manière d’un film photo. Sauf que le dessin une fois déroulé forme une vue d’ensemble. L’assistance a pu voir projeté un rouleau où des animaux anthropomorphes se livrent à des jeux de combat, mais aussi un rouleau qui montre un village tétanisé par la vue d’un énorme bol en or surgi de nulle part et qui transporte leur entrepôt de riz. Le trait simple, la coloration rapide et la grande liberté prise avec la réalité préfiguraient déjà le « manga » (littéralement dessin grotesque).
Un petit nez et de gros yeux !
La bédé nipponne doit aussi beaucoup à des artistes comme Hiroshige dont la manière singulière de dessiner la pluie a inspiré Vincent VanGogh, et dont les choix de perspective ont influencé Giotto. Au 18è siècle, les artistes japonais commencent à représenter les visages en très gros plan, cette technique est largement utilisée dans les mangas et s’appelle le « close up ». « Si vous faites attention, vous remarquerez que dans les mangas, on représente souvent les personnage de face avec un petit nez », explique le réalisateur en tenant l’affiche du festival sur laquelle il y a un dessin japonais. « Par contre, en occident on représente les personnages de face en accordant beaucoup d’importance au nez. Au Maroc aussi : cet organe joue un rôle important dans la représentation que vous avez du visage », poursuit Takahata. A ceux qui se demandent pourquoi les yeux des personnages de dessins animés japonais ont des yeux énormes alors que les japonais ont les yeux bridés, le réalisateur répond qu’en l’absence du nez, les yeux deviennent l’élément principal pour transmettre les sentiments des personnages. Ce soir là, Isao Takahata a transmis à tous ceux présents dans la salle le sentiment que les organisateurs ne se sont pas trompés en consacrant l’édition 2006 du FICAM au cinéma d’animation japonais, véritable raz-de-marée au Maroc et ailleurs.
Zakaria Choukrallah
2 commentaires:
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Intéressant ton article ^^. Il répond à la question que je me posais depuis un moment : pourquoi les personnages de manga ont les yeux énormes alors que les japonais ont les yeux bridés ? La réponse semble logique en fin de compte. Mais je ne pense pas qu'il pourrait répondre aussi facilement à cette autre question : pourquoi les personnages de manga ont très souvent les yeux et cheveux de couleur alors que les japonais les ont noirs ou brun ? J'imagine qu'il répondrait que cela importe peu, et il n'aurait pas tord lol. Mais n'empêche... ^^
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