Bibliothèque nationale:des livres et des maux
(Article publié dans TelQuel n°220)
Carence flagrante en documents et pagaille ambiante : c'est le triste lot de la Bibliothèque nationale, qui attend son déménagement dans des locaux plus adaptés. Reportage.
Quelque 350 000 ouvrages, 200 000 périodiques, en plus des manuscrits et des livres rares… Si la Bibliothèque nationale n'ose concurrencer les plus grandes bibliothèques, elle a au départ un nombre honorable de documents. Pourtant il y a un hic : en chercher un équivaut à chercher une épingle dans une meule de foin. Nombre limité d'ouvrages, des livres la plupart du temps, déclassés, un fichier informatique pas très précis… Malgré tout, la bibliothèque ne désemplit pas, une vingtaine de visiteurs sont attablés dans chaque salle. Dans la masse des usagers, un visage atypique, Kjartan, un étudiant danois qui prépare sa thèse au Maroc. Il vient souvent à la Bibliothèque nationale, mais pas pour chercher des livres : “Je viens pour l'ambiance studieuse qui m'aide à travailler sur mon ordinateur. Quand je veux un document, je vais plutôt au centre Jacques Berque”, nous confie-t-il. De son côté, le directeur, Driss Khrouz, conscient du manque à combler, nous assure : “En 2006, nous avons renouvelé l'abonnement aux revues, suspendu depuis les années 80 et nous nous sommes abonnés aux revues électroniques. Pour les livres spécialisés, nous ne pouvons pas tout avoir. C'est le rôle des bibliothèques universitaires. Nous avons toutefois commandé les références les plus importantes”. En attendant, chaque visiteur a son urgence. Anass prépare un doctorat en droit privé. Il estime qu'il n'y a pas assez d'ouvrages spécialisés. “Beaucoup de livres sont disponibles en librairie mais pas ici. C'est gênant, surtout lorsqu'il s'agit de livres de référence”. Bouchra prépare sa thèse. “Je me déplace à plusieurs reprises à Casa à la fondation Al Saoud pour chercher des documents. Ici, il n'y a que des ouvrages anciens”. Mustapha Kadiri, administrateur, explique : “On remplit le rôle des salles de lecture des facultés. Les étudiants viennent ici car ils n'ont nulle part ailleurs où travailler”.
(Article publié dans TelQuel n°220)
Carence flagrante en documents et pagaille ambiante : c'est le triste lot de la Bibliothèque nationale, qui attend son déménagement dans des locaux plus adaptés. Reportage.
Quelque 350 000 ouvrages, 200 000 périodiques, en plus des manuscrits et des livres rares… Si la Bibliothèque nationale n'ose concurrencer les plus grandes bibliothèques, elle a au départ un nombre honorable de documents. Pourtant il y a un hic : en chercher un équivaut à chercher une épingle dans une meule de foin. Nombre limité d'ouvrages, des livres la plupart du temps, déclassés, un fichier informatique pas très précis… Malgré tout, la bibliothèque ne désemplit pas, une vingtaine de visiteurs sont attablés dans chaque salle. Dans la masse des usagers, un visage atypique, Kjartan, un étudiant danois qui prépare sa thèse au Maroc. Il vient souvent à la Bibliothèque nationale, mais pas pour chercher des livres : “Je viens pour l'ambiance studieuse qui m'aide à travailler sur mon ordinateur. Quand je veux un document, je vais plutôt au centre Jacques Berque”, nous confie-t-il. De son côté, le directeur, Driss Khrouz, conscient du manque à combler, nous assure : “En 2006, nous avons renouvelé l'abonnement aux revues, suspendu depuis les années 80 et nous nous sommes abonnés aux revues électroniques. Pour les livres spécialisés, nous ne pouvons pas tout avoir. C'est le rôle des bibliothèques universitaires. Nous avons toutefois commandé les références les plus importantes”. En attendant, chaque visiteur a son urgence. Anass prépare un doctorat en droit privé. Il estime qu'il n'y a pas assez d'ouvrages spécialisés. “Beaucoup de livres sont disponibles en librairie mais pas ici. C'est gênant, surtout lorsqu'il s'agit de livres de référence”. Bouchra prépare sa thèse. “Je me déplace à plusieurs reprises à Casa à la fondation Al Saoud pour chercher des documents. Ici, il n'y a que des ouvrages anciens”. Mustapha Kadiri, administrateur, explique : “On remplit le rôle des salles de lecture des facultés. Les étudiants viennent ici car ils n'ont nulle part ailleurs où travailler”.
Une simple salle de lecture
Quand les visiteurs se donnent la peine de chercher des livres, ils doivent composer avec les problèmes d'organisation de la bibliothèque. Première gageure : faire des allers-retours entre deux bâtiments pour pouvoir consulter le fichier informatique. Pas plus tard que l'année dernière, on pouvait faire ses recherches sur place. Mustapha Kadiri explique que c'est pour dégager les couloirs de la salle, encombrée de visiteurs, et ajoute : “La plupart ne savent pas faire une recherche et ont des comportements inciviques comme déplacer les livres”. Comportements que dénonce Bouchra : “Certaines personnes déplacent sciemment les livres de rayon en rayon pour être les seules à connaître leur emplacement et empêchent les autres de les consulter”. Cet avis est partagé par le directeur adjoint, Abdelati Lahlou qui ajoute qu'il y a un manque de personnel pour gérer la salle. “La salle des chercheurs ouvre plus longtemps (de 8h à 19h !), nous sommes obligés de scinder le personnel en une équipe le matin et une autre l'après-midi”. De surcroît, pour trouver un livre, inutile de compter sur le fichier informatique, une partie des entrées est toujours uniquement consultable dans de vieux tiroirs incommodes.
Dix ans de retard
“Le référencement des livres se fait selon le titre et l'auteur uniquement. La recherche par mots- clés n'a pas encore été mise en place”, explique M. Boukili, un informatiste. D'après la direction, le problème sera résolu avec l'acquisition prochaine d'un logiciel de gestion documentaire qui coûte trois millions de dirhams. “Ce logiciel marquera l'entrée de la bibliothèque dans l'ère du numérique”, lance Driss Khrouz. Un investissement certes colossal mais qui ne résout pas tout. Un responsable pointe du doigt le manque d'expérience et de formation des informatistes. De plus, on ne forme plus de bibliothécaires à L'Ecole des Sciences de l'Information (ESI). Toutefois, le directeur adjoint assure qu'un plan de recrutement et de mise à niveau du personnel est sur les rails. Objectif : renforcer l'effectif qui n'est que de sept informatistes et former des profils plus pointus. Autre point noir, le retard dans le traitement des livres. Pour ceux édités au Maroc, le problème est moindre, l'obligation de dépôt légal assure une copie aux lecteurs, mais pour les livres édités à l'étranger, il y aurait un retard de plus de dix ans ! Driss Khrouz est confiant : “Le conseil administratif m'a donné son feu vert pour confier le marché à une entreprise. Je vous garantis que fin 2006, tous les livres seront traités”, assure-t-il. S'il y parvient, il aura réparé les conséquences de la gestion désastreuse de la bibliothèque pendant les années 80. “C'était la siba (anarchie)”, lance un cadre, dépité.
Journaux en péril
Les dégâts sont plus visibles au service des journaux. “C'est au petit bonheur la chance. On peut trouver ce qu'on cherche comme on peut repartir bredouille”, assure un visiteur. Comme pour les livres, la bibliothèque s'alimente du dépôt légal et des collections privées. Selon Saâd Cherkaoui, le responsable de cette section : “Quand un donateur offre sa collection à la bibliothèque, il fournit non seulement des livres mais également des archives de journaux, malheureusement reléguées au second plan”. Depuis des années, les journaux sont entreposés dans des dépôts en attendant de vérifier “l'état de la collection”, c'est-à-dire les journaux réellement exploitables, ceux qui ne sont pas détériorés ou carrément perdus. Le directeur adjoint explique que c'est un problème d'espace qui sera bientôt réglé quand la bibliothèque déménagera dans les nouveaux locaux de 20 832 m2. “L'emplacement actuel sera dédié en partie aux journaux”, explique Driss Khrouz mais selon un autre responsable, rien ne sera réglé tant que le personnel de la bibliothèque ne sera pas mis à niveau. En attendant, les journaux traînent par terre, se détériorent sous l'effet de l'humidité ou, pis encore, sont volés par le premier venu. Aucun procédé de climatisation n'est en place mais pour Mustapha Kadiri, “les journaux ont juste besoin d'être aérés, leur papier est souvent de mauvaise qualité et se détériore facilement”. Soit, mais entasser par piles les journaux ne contribue-t-il pas à accélérer leur détérioration ? Le directeur adjoint assure que des efforts ont été faits pour leur conservation, en attendant qu'ils soient microfilmés et numérisés. Des boîtes de rangement ont été conçues spécialement pour eux mais ces efforts ne concernent qu'une partie infime de la collection. “Priorité a été donnée aux journaux représentant un patrimoine pour le Maroc ou à ceux que l'on ne retrouverait pas ailleurs”, affirme Saâd Cherkaoui. “2006 est une période transitoire , les réformes vont bon train”, lance le directeur adjoint. Oui, mais les documents tiendront-ils jusque-là ? Un responsable lance, sans ironie : “Ils ont bien tenu 50 ans, quelques années de plus ou de moins…”Malgré l'état désastreux dans lequel se trouvent les livres et les journaux, l'optimisme est de bon aloi à la BN. Et pour cause, le déménagement dans les nouveaux locaux, sis à quelques mètres du site actuel, est prévu pour 2007. Mais est-ce seulement une affaire de murs et d'espace ?
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Microfilm, Késako ?
Le microfilm est probablement ce qui va sauver les archives de journaux. Le procédé est déjà utilisé pour les manuscrits et a fait ses preuves ailleurs. L'avantage du microfilm par rapport au CD, c'est sa durée de conservation qui atteint plus d'une centaine d'années. L'opération est simple : à l'aide d'une machine (photo ci-contre), un technicien photographie sur de la pellicule-photo les pages du document qui est ensuite dupliqué. Une première copie est rangée dans les archives et une seconde est mise à la disposition des lecteurs qui peuvent ainsi visionner le document et, s'ils le désirent, obtenir un tirage papier pour 3,50 DH.
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ZC
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