11.1.07

Emploi & Carrière
Tirs croisés sur les low-cost sociaux
(Publié dans L'Economiste du 8/1/2007)

· Un rapport sur les enjeux sociaux de la concurrence internationale
· Restitution des aides perçues en cas de délocalisation


Passer d’une logique de « dumping social », c’est-à-dire «la recherche du plus bas niveau en matière de coûts salariaux ou de protection sociale», à un objectif de «mieux-disant social»; c’est presque un objectif de survie pour les entreprises européennes. Cela dit, la notion même de «dumping social» est sujette à débat. Les pays riches accusent les pays en voie de développement de jouer sur les conditions de travail, et notamment sur la couverture sociale, à des fins purement mercantiles, tandis que ces derniers considèrent les normes européennes comme une entrave à leur développement économique et une attitude protectionniste de la part de ces pays. Le Conseil économique et social français apporte une pierre à ce débat en publiant, en novembre 2006, un rapport intitulé «Enjeux sociaux et concurrence internationale: du dumping social au mieux-disant social».Dans ce document, une analyse du phénomène et, surtout, des propositions pour y faire face. Priorité du rapport: harmoniser les normes européennes en matière de droits sociaux. Les experts avancent l’idée d’un salaire minimum européen. Cependant, la divergence des cadres légaux en matière de salaires rend difficile son application. En outre, les modalités d’instauration de ce smig suscitent des intérrogations (instauration immédiate ou graduelle, par exemple). Certains proposent un salaire minimum proportionnel au pouvoir d’achat de chaque Etat membre.
· Délocalisations
Concernant la levée des obstacles à la libre-circulation des services, le problème se posait au niveau du principe du «pays d’origine». En clair, l’application des règles commerciales et sociales du pays où l’entreprise exerce ses prestations et non celles du pays où elle a été immatriculée. Le rapport fait appel à la jurisprudence, en rappellant l’affaire Vaxholm qui opposait une entreprise de construction lettone à la Suède, sur des questions de conditions de travail et de rémunération. Par décision de la Commission européenne, l’entreprise s’est vue obliger de se conformer aux règles sociales suédoises. Dorénavant, ce principe ne sera plus appliqué. Mais l’effet le plus redouté du dumping social, ce sont les délocalisations d’entreprises qui frappent de plein fouet la marché de l’emploi. Pis, ce ne sont plus les employés les moins qualifiés qui sont touchés, mais également les activités exigeant des qualifications élevées, type, développement des logiciels. Le rapport recommande une politique européenne. Pour cela, il propose un plan d’action. D’abord, prévenir les délocalisations. Comment? Essentiellement par une meilleure connaissance du marché du travail et des besoins de formation et d’élévation des qualifications des populations actives. Secundo: « accélérer la mise en place du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation », qui favorise le retour à l’emploi des travailleurs licenciés dans une logique de solidarité. Tertio: le remboursement des aides de l’UE par les entreprises qui ne respectent pas leurs engagements. Cela pourrait même aller jusqu’à rembourser les aides de l’UE en cas de délocalisation!Afin de sauvegarder le marché intérieur, il faudrait utiliser chaque fois que nécessaire les clauses de sauvegarde prévues par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans les importataions. Ces clauses peuvent être mises en œuvre «lorsque les importations désorganisent ou risquent de désorganiser le marché des pays importateurs et/ou lorsque l’existence de pratiques de dumping commercial est établies». Elles permettent d’imposer un droit additionnel aux droits de douane.
· Simplifier la fiscalité
Le nerf de la guerre pour rester compétitif, selon le rapport, est la formation. Une des recommandations est l’accroissement de l’investissement dans l’enseignement. Ainsi, les dépenses totales par étudiant en France représentent le tiers de celles des Etats-Unis. Le rapport ajoute qu’il convient de développer des pôles d’excellence qui regroupent universités et organismes de recherche. Ce qui a été en partie réalisé avec les pôles de compétitivité lancés par le gouvernement En effet, les pays émergeants commencent à damer le pion aux européens sur le volet de la recherche et du développement. Dans la même optique, le rapport souligne qu’il faut aider les entreprises à «investir dans la recherche et l’innovation». L’attractivité du territoire pour les investisseurs est également une piste à explorer. Selon l’Agence française des investissements internationaux (Afii), les investissements étrangers ont doublé dans ce pays en 2005. Mais le rapport ne s’arrête pas sur ces acquis. Il préconise une communication accrue sur des atouts tels la qualification des salariés, une protection sociale de haut niveau, des infrastructures adaptées et des services publics développés. Il insiste aussi sur la simplification de la fiscalité des entreprises. Il faut signaler que le président Jacques Chirac vient de proposer un IS à 20%. Pour cela, il faut «conforter et amplifier les dispositions fiscales incitatives en faveur des investissements matériels et immatériels» et «donner aux entreprises davantage de lisibilité et de stabilité » en simplifiant davantage la fiscalité. Sur un autre volet, le rapport insiste beaucoup sur la réforme des cotisations sociales, et avancent différentes propositions, dont la «TVA sociale» (cf. encadré). Mais le document reconnaît que le débat est loin d’être tranché. Aucun consensus n’est à l’ordre du jour pour ce volet.
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Le modèle social européen
Le modèle européen repose sur trois principes : le soutien au marché, un haut niveau de protection sociale et le développement du dialogue social. Concrètement, il suit les directives de la confédération européenne des syndicats (CES) qui préconose une protection sociale développée couvrant la santé, la sécurité, des limites au temps de travail, les congès, le droit de grève, etc. Toutefois, le caractère contraignant de ce modèle pose aux 27 le problème de sa mise en œuvre.
TVA sociale, quèsaco?
Il s’agit d’une TVA réévaluée de façon à faire supporter aux produits importés une taxation. Jean Arthuis, sénateur français à l’origine de cette proposition, distingue entre les cotisations liées au travail (retraite, accidents de travail, etc) et celles qui relèvent de la «politique familiale et la politique de la santé». La réforme consiste à déconnecter la seconde catégorie de l’assiette des salaires. Au rayon avantages : la baisse du coût de travail grâce à la diminution du poids des cotisations sociales, ce qui améliore la compétitivité des produits et services français. Evidemment, cela conduit à l’augmentation de la demande sur les produits français et, à terme, favorise l’emploi. Cependant, c’est loin d’être la panacée. En effet, la limitation de la TVA à 25% dans l’UE amondri la portée en termes de recettes. De surcroît, les autres pays européens pourraient adopter cette mesure et du coup annuler son avantage compétitif pour la France. Mais le principal reproche tient au fait que la TVA sociale pèserait sur les ménages de manière injuste. Un débat à suivre.
Zakaria Choukrallah

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